Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 2.pdf/210

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Dans une chambre obscure dont les murs étaient noircis, qui me servait à faire des expériences d’optique, j’ai fait allumer une bougie de cinq à la livre : la chambre était fort vaste et la lumière de la bougie était la seule dont elle fût éclairée. J’ai d’abord cherché à quelle distance je pouvais lire un caractère d’impression, tel que celui de la Gazette de Hollande, à la lumière de cette bougie, et j’ai trouvé que je lisais assez facilement ce caractère à 24 pieds 4 pouces de distance de la bougie. Ensuite, ayant placé devant la bougie, à 2 pouces de distance, un morceau de verre provenant d’une glace de Saint-Gobain, réduite à 1 ligne d’épaisseur, j’ai trouvé que je lisais encore tout aussi facilement à 22 pieds 9 pouces, et, en substituant à cette glace de 1 ligne d’épaisseur un autre morceau de 2 lignes d’épaisseur et du même verre, j’ai lu aussi facilement à 21 pieds de distance de la bougie. Deux de ces mêmes glaces de 2 lignes d’épaisseur, jointes l’une contre l’autre et mises devant la bougie, en ont diminué la lumière au point que je n’ai pu lire avec la même facilité qu’à 17 pieds 1/2 de distance de la bougie. Et enfin, avec trois glaces de 2 lignes d’épaisseur chacune, je n’ai lu qu’à la distance de 15 pieds. Or, la lumière de la bougie diminuant comme le carré de la distance augmente, sa diminution aurait été dans la progression suivante, s’il n’y avait point eu de glaces interposées :

25 1/2. 2 22 3/4. 2 21. 2 17 1/2. 2 15. 2 ou
592 1/9. 517 9/16. 441. 306 1/4. 225.

Donc les pertes de la lumière, par l’interposition de glaces, sont dans la progression suivante : 84 79/144. 151. 285 7/9. 367 1/4.

D’où l’on doit conclure que 1 ligne d’épaisseur de ce verre ne diminue la lumière que de 84/592 ou d’environ 1/7 ; que 2 lignes d’épaisseur la diminuent de 151/592, pas tout à fait de 1/4 ; et trois glaces de 2 lignes de 367/592, c’est-à-dire moins de 2/3.

Comme ce résultat est très différent de celui de M. Bouguer, et que néanmoins je n’avais garde de douter de la vérité de ses expériences, je répétai les miennes en me servant de verre à vitre commun ; je choisis des morceaux d’une épaisseur égale, de 3/4 de ligne chacun. Ayant lu de même à 24 pieds 4 pouces de distance de la bougie, l’interposition d’un de ces morceaux de verre me fit rapprocher à 21 pieds 1/2 ; avec deux morceaux interposés et appliqués l’un sur l’autre, je ne pouvais plus lire qu’à 18 pieds 1/4, et avec trois morceaux à 16 pieds ; ce qui, comme l’on voit, se rapproche de la détermination de M. Bouguer ; car la perte de la lumière, en traversant ce verre de 3/4 de ligne, étant ici de 592 1/4462 1/4 = 130, le résultat 130/592 1/4 ou 65/299, ne s’éloigne pas beaucoup de 3/14, à quoi l’on doit réduire les 2/7 donnés par M. Bouguer pour une ligne d’épaisseur, parce que mes verres n’avaient que 3/4 de ligne, car 3 : 14 : : 65 : 303 1/2, terme qui ne diffère pas beaucoup de 296.

Mais avec du verre communément appelé verre de Bohême, j’ai trouvé, par les mêmes essais, que la lumière ne perdait qu’un huitième en traversant une épaisseur d’une ligne, et quelle diminuait dans la progression suivante :

Épaisseurs. 1, 2, 3, 4, 5, 6, ..... n,
Diminutions. 1/8. 7/64. 49/512. 343/4096. 2401/32768. 16087/262144.
ou 70/81 71/82 72/83 73/84 74/85 75/86 ..... 7n − 1/8n.

Prenant la somme de ces termes, on aura le total de la diminution de la lumière à travers une épaisseur de verre d’un nombre donné de lignes ; par exemple, la somme des six premiers termes est 144495/262164. Donc la lumière ne diminue que d’un peu plus de moitié