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En voilà plus qu’il n’en faut pour démontrer que la lumière n’est pas une matière particulière ni différente de la matière commune, que son essence est la même, ses propriétés essentielles les mêmes qu’enfin elle n’en diffère que parce qu’elle a subi dans le point du contact la répulsion d’où provient sa volatilité. Et de la même manière que l’effet de la force d’attraction s’étend à l’infini, toujours en décroissant comme l’espace augmente, les effets de la répulsion s’étendent et décroissent de même, mais en ordre inverse ; en sorte que l’on peut appliquer à la force expansive tout ce que l’on sait de la force attractive : ce sont pour la nature deux instruments de même espèce, ou plutôt ce n’est que le même instrument qu’elle manie dans deux sens opposés.

Toute matière deviendra lumière dès que, toute cohérence étant détruite, elle se trouvera divisée en molécules suffisamment petites, et que ces molécules étant en liberté seront déterminées par leur attraction mutuelle à se précipiter les unes contre les autres : dans l’instant du choc la force répulsive s’exercera, les molécules se fuiront en tout sens avec une vitesse presque infinie, laquelle néanmoins n’est qu’égale à leur vitesse acquise au moment du contact ; la loi de l’attraction étant d’augmenter comme l’espace diminue, car il est évident qu’au contact l’espace, toujours proportionnel au carré de la distance, devient nul, et que par conséquent la vitesse acquise en vertu de l’attraction doit à ce point devenir presque infinie ; cette vitesse serait même infinie si le contact était immédiat, et par conséquent la distance entre les deux corps absolument nulle ; mais, comme nous l’avons souvent répété, il n’y a rien d’absolu, rien de parfait dans la nature, et de même rien d’absolument grand, rien d’absolument petit, rien d’entièrement nul, rien de vraiment infini, et tout ce que j’ai dit de la petitesse infinie des atomes qui constituent la lumière, de leur ressort parfait, de la distance nulle dans le moment du contact, ne doit s’entendre qu’avec restriction. Si l’on pouvait douter de cette vérité métaphysique, il serait possible d’en donner une démonstration physique sans même nous écarter de notre sujet. Tout le monde sait que la lumière emploie environ sept minutes et demie de temps venir du soleil jusqu’à nous ; supposant donc le soleil à trente-six millions de lieues, la lumière parcourt cette énorme distance en sept minutes et demie, ou ce qui revient au même (supposant son mouvement uniforme), quatre-vingt mille lieues en une seconde ; cette vitesse quoique prodigieuse, est néanmoins bien éloignée d’être infinie, puisqu’elle est déterminable par les nombres ; elle cessera même de paraître prodigieuse lorsqu’on réfléchira que la nature semble marcher en grand presque aussi vite qu’en petit ; il ne faut pour cela que supputer la célérité du mouvement des comètes à leur périhélie, ou même celle des planètes qui se meuvent le plus rapidement, et l’on verra que la vitesse de ces masses immenses, quoique moindre, se peut néanmoins comparer d’assez près avec celle de nos atomes de lumière.

Et de même que toute matière peut se convertir en lumière par la division et la répulsion de ses parties excessivement divisées lorsqu’elles éprouvent un choc des unes contre les autres, la lumière peut aussi se convertir en toute autre matière par l’addition de ses propres parties, accumulées par l’attraction des autres corps. Nous verrons dans la suite que tous les éléments sont convertibles ; et si l’on a douté que la lumière, qui paraît être l’élément le plus simple, pût se convertir en substance solide, c’est que d’une part, on n’a pas fait assez d’attention à tous les phénomènes, et que d’autre part on était dans le préjugé, qu’étant essentiellement volatile, elle ne pouvait jamais devenir fixe. Mais n’avons-nous pas prouvé que la fixité et la volatilité dépendent de la même force, attractive

    pas cette propriété. Optique de Newton, question xxvi, traduction de Coste. — Nota. Cette propriété dont parle ici Newton ne peut dépendre que de l’étendue ou de la figure de chacun des côtes des rayons, c’est-à-dire des atomes de lumière. Voyez cet article en entier dans Newton.