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les parties constituantes de ces vapeurs métalliques sont dans un état de division bien plus grande que dans l’état de fusion, elles se joindraient et se réuniraient de bien plus près et plus facilement. Enfin on arriverait peut-être par ce moyen à la connaissance d’un fait général, et que plusieurs bonnes raisons me font soupçonner depuis longtemps, c’est qu’il y aurait pénétration dans tous les alliages faits de cette manière, et que leur pesanteur spécifique serait toujours plus grande que la somme des pesanteurs spécifiques des matières dont ils seraient composés : car la pénétration n’est qu’un degré plus grand d’intimité, et l’intimité, toutes choses égales d’ailleurs, sera d’autant plus grande que les matières seront dans un état de division plus parfaite.

En réfléchissant sur l’appareil des vaisseaux qu’il faudrait employer pour recevoir et recueillir ces vapeurs métalliques, il m’est venu une idée qui me paraît trop utile pour ne la pas publier : elle est aussi trop aisée à réaliser pour que les bons chimistes ne la saisissent pas ; je l’ai même communiquée à quelques-uns d’entre eux, qui m’en ont paru très satisfaits. Cette idée est de geler le mercure dans ce climat-ci, et avec un degré de froid beaucoup moindre que celui des expériences de Pétersbourg ou de Sibérie : il ne faut pour cela que recevoir la vapeur du mercure, qui est le mercure même volatilisé par une très médiocre chaleur dans une cucurbite ou dans un vase auquel on donnera un certain degré de froid artificiel : ce mercure en vapeur, c’est-à-dire extrêmement divisé, offrira à l’action de ce froid des surfaces si grandes et des masses si petites, qu’au lieu de 187 degrés de froid qu’il faut pour geler le mercure en masse, il n’en faudrait peut-être que 18 ou 20 degrés, peut-être même moins, pour le geler en vapeurs. Je recommande cette expérience importante à tous ceux qui travaillent de bonne foi à l’avancement des sciences.

Je pourrais ajouter à ces usages principaux du miroir d’Archimède plusieurs autres usages particuliers, mais j’ai cru devoir me borner à ceux qui m’ont paru les plus utiles et les moins difficiles à réduire en pratique. Néanmoins je crois devoir joindre ici quelques expériences que j’ai faites sur la transmission de la lumière à travers les corps transparents, et donner en même temps quelques idées nouvelles sur les moyens d’apercevoir de loin les objets à l’œil simple, ou par le moyen d’un miroir semblable à celui dont les anciens ont parlé, par l’effet duquel on apercevait du port d’Alexandrie les vaisseaux d’aussi loin que la courbure de la terre pouvait le permettre.

Tous les physiciens savent aujourd’hui qu’il y a trois causes qui empêchent la lumière de se réunir dans un point lorsque ses rayons ont traversé le verre objectif d’une lunette ordinaire. La première est la courbure sphérique de ce verre qui répand une partie des rayons dans un espace terminé par une courbe. La seconde est l’angle sous lequel nous paraît à l’œil simple l’objet que nous observons, car la largeur du foyer de l’objectif a toujours à très peu près pour diamètre une ligne égale à la corde de l’arc qui mesure cet angle. La troisième est la différente réfrangibilité de la lumière, car les rayons les plus réfrangibles ne se rassemblent pas dans le même lieu où se rassemblent les rayons les moins réfrangibles.

On peut remédier à l’effet de la première cause en substituant, comme Descartes l’a proposé, des verres elliptiques ou hyperboliques aux verres sphériques. On remédie à l’effet de la seconde par le moyen d’un second verre placé au foyer de l’objectif, dont le diamètre est à peu près égal à la largeur de ce foyer, et dont la surface est travaillée sur une sphère d’un rayon fort court. On a trouvé de nos jours le moyen de remédier à la troisième en faisant des lunettes qu’on appelle achromatiques, et qui sont composées de deux sortes de verres qui dispersent différemment les rayons colorés, de manière que la dispersion de l’un est corrigée par la dispersion de l’autre, sans que la réfraction générale moyenne, qui constitue la lunette, soit anéantie. Une lunette de 3 pieds 1/2 de longueur, faite sur ce principe, équivaut pour l’effet aux anciennes lunettes de 25 pieds de longueur.

Au reste, le remède à l’effet de la première cause est demeuré tout à fait inutile jusqu’à