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de 1/2 pied tout au plus de surface pour brûler à 150 ou 200 pieds, et de 1 pied de surface pour brûler à 3 ou 400 pieds. Cinquièmement, il faudrait les faire étamer avec plus de soin qu’on ne le fait ordinairement : j’ai remarqué qu’en général les glaces fraîchement étamées réfléchissent plus de lumière que celles qui le sont anciennement ; l’étamage en se séchant, se gerce, se divise et laisse de petits intervalles qu’on aperçoit en y regardant de près avec une loupe, et ces petits intervalles donnant passage à la lumière, la glace en réfléchit d’autant moins. On pourrait trouver le moyen de faire un meilleur étamage, et je crois qu’on y parviendrait en employant de l’or et du vif-argent : la lumière serait peut-être un peu jaune par la réflexion de cet étamage ; mais bien loin que cela fût un désavantage, j’imagine au contraire qu’il y aurait à gagner, parce que les rayons jaunes sont ceux qui ébranlent le plus fortement la rétine et qui brûlent le plus violemment, comme je crois m’en être assuré en réunissant, au moyen d’un verre lenticulaire, une quantité de rayons jaunes qui m’étaient fournis par un grand prisme, et en comparant leur action avec une égale quantité de rayons de toute autre couleur réunis par le même verre lenticulaire, et fournis par le même prisme.

Sixièmement, il faudrait un châssis de fer et des vis de cuivre, et un ressort pour assujettir chacune des petites planches qui portent les glaces, tout cela conforme à un modèle que j’ai fait exécuter par le sieur Chopitel, afin que la sécheresse et l’humidité qui agissent sur le châssis et les vis en bois ne causassent pas d’inconvénient, et que le foyer, lorsqu’il est une fois formé, ne fût pas sujet à s’élargir, et à se déranger lorsqu’on fait rouler le miroir sur son pivot, ou qu’on le fait tourner autour de son axe pour suivre le soleil : il faudrait aussi y ajouter une alidade avec deux pinnules au milieu de la partie inférieure du châssis, afin de s’assurer de la position du miroir par rapport au soleil, et une autre alidade semblable, mais dans un plan vertical au plan de la première pour suivre le soleil à ses différentes hauteurs.

Au moyen de toutes ces attentions, je crois pouvoir assurer, par l’expérience que j’ai acquise en me servant de mon miroir, qu’on pourrait en réduire la grandeur à moitié, et qu’au lieu d’un miroir de 7 pieds avec lequel j’ai brûlé du bois à 150 pieds, on produirait le même effet avec un miroir de 5 pieds 1/2, ce qui n’est, comme l’on voit, qu’une très médiocre grandeur pour un très grand effet ; et de même, je crois pouvoir assurer qu’il ne faudrait alors qu’un miroir de 4 pieds 1/2 pour brûler à 100 pieds, et qu’un miroir de 3 pieds 1/2 brûlerait à 60 pieds, ce qui est une distance bien considérable en comparaison du diamètre du miroir.

Avec un assemblage de petits miroirs plans hexagones et d’acier poli, qui auraient plus de solidité, plus de durée que les glaces étamées, et qui ne seraient point sujets aux altérations que la lumière du soleil fait subir à la longue à l’étamage, on pourrait produire des effets très utiles, et qui dédommageraient amplement des dépenses de la construction du miroir.

1o Pour toutes les évaporations des eaux salées, où l’on est obligé de consommer du bois et du charbon, ou d’employer l’art des bâtiments de graduation qui coûtent beaucoup plus que la construction de plusieurs miroirs tels que je les propose, il ne faudrait, pour l’évaporation des eaux salées, qu’un assemblage de douze miroirs plans de 1 pied carré chacun : la chaleur qu’ils réfléchiront à leur foyer, quoique dirigée au-dessous de leur niveau, et à 15 ou 16 pieds de distance, sera encore assez grande pour faire bouillir l’eau, et produire par conséquent une prompte évaporation, car la chaleur de l’eau bouillante n’est que triple de la chaleur du soleil d’été ; et comme la réflexion d’une surface plane bien polie ne diminue la chaleur que de moitié, il ne faudrait que six miroirs pour produire au foyer une chaleur égale à celle de l’eau bouillante, mais j’en double le nombre afin que la chaleur se communique plus vite, et aussi à cause de la perte occasionnée par l’obliquité, sous laquelle le faisceau de la lumière tombe sur la surface de l’eau qu’on