Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 2.pdf/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soleil ; et c’est par cette raison qu’il y a une certaine proportion entre la grandeur des miroirs plans et les distances, et que, pour brûler plus loin, on peut employer, même avec avantage, de plus grandes glaces dans mon miroir que pour brûler plus près.

Car, si cela n’était pas, on sent bien qu’en réduisant, par exemple, mes glaces de 6 pouces à 3 pouces, et employant quatre fois autant de ces glaces que des premières, ce qui revient au même pour l’étendue de la surface du miroir, j’aurais eu quatre fois plus d’effet, et que plus les glaces seraient petites, et plus le miroir produirait d’effet ; et c’est à ceci que se serait réduit l’art de quelqu’un qui aurait seulement tenté d’inscrire une surface polygone dans une sphère, et qui aurait imaginé l’ajustement dont je me suis servi pour faire changer à volonté la courbure de cette surface : il aurait fait les glaces les plus petites qu’il aurait été possible ; mais le fond et la théorie de la chose est d’avoir reconnu qu’il n’était pas seulement question d’inscrire une surface polygone dans une sphère avec exactitude, et d’en faire varier la courbure à volonté, mais encore que chaque partie de cette surface devait avoir une certaine grandeur déterminée pour produire aisément un grand effet, ce qui fait un problème fort différent, et dont la solution m’a fait voir qu’au lieu de travailler ou de briser un miroir dans toutes ses parties pour faire coïncider les images au même endroit, il suffisait de le briser ou de le travailler à facettes planes en grandes portions égales à la grandeur de l’image, et qu’il y avait peu à gagner en le brisant en de trop petites parties, ou, ce qui est la même chose, en le travaillant exactement dans tous ses points. C’est pour cela que j’ai dit, dans mon Mémoire, que, pour brûler à de grandes distances, il fallait imaginer quelque chose de nouveau et tout à fait indépendant de ce qu’on avait pensé et pratiqué jusqu’ici ; et ayant supputé géométriquement la différence, j’ai trouvé qu’un miroir parfait, de quelque courbure qu’il puisse être, n’aura jamais plus d’avantage sur le mien que de 17 à 10, et qu’en même temps l’exécution en serait impossible pour ne brûler même qu’à une petite distance, comme de 25 ou 30 pieds. Mais revenons aux assertions de Descartes.

Il dit ensuite « qu’ayant deux verres ou miroirs ardents, dont l’un soit beaucoup plus grand que l’autre, de quelque façon qu’ils puissent être, pourvu que leurs figures soient toutes pareilles, le plus grand doit bien ramasser les rayons du soleil en un plus grand espace et plus loin de soi que le plus petit, mais que ces rayons ne doivent point avoir plus de force en chaque partie de cet espace qu’en celui où le plus petit les ramasse, en sorte qu’on peut faire des verres ou miroirs extrêmement petits, qui brûleront avec autant de violence que les plus grands. »

Ceci est absolument contraire aux expériences que j’ai rapportées dans mon Mémoire, où j’ai fait voir qu’à égale intensité de lumière un grand foyer brûle beaucoup plus qu’un petit ; et c’est en partie sur cette remarque, tout opposée au sentiment de Descartes, que j’ai fondé la théorie de mes miroirs ; car voici ce qui suit de l’opinion de ce philosophe. Prenons un grand miroir ardent, comme celui du sieur Segard, qui a 32 pouces de diamètre et un foyer de 9 lignes de largeur à 6 pieds de distance, auquel foyer le cuivre se fond en une minute, et faisons dans les mêmes proportions un petit miroir ardent de 32 lignes de diamètre, dont le foyer sera de 9/12 ou de 3/4 de ligne de diamètre, et la distance de 6 pouces : puisque le grand miroir fond le cuivre en une minute dans l’étendue de son foyer, qui est de 9 lignes, le petit doit, selon Descartes, fondre dans le même temps la même matière dans l’étendue de son foyer, qui est de 3/4 de ligne ; or j’en appelle à l’expérience, et on verra que, bien loin de fondre le cuivre, à peine ce petit verre brûlant pourra-t-il lui donner un peu de chaleur.

Comme ceci est une remarque physique et qui n’a pas peu servi à augmenter mes espérances lorsque je doutais encore si je pourrais produire du feu à une grande distance, je crois devoir communiquer ce que j’ai pensé à ce sujet.

La première chose à laquelle je fis attention, c’est que la chaleur se communique de