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Je ne dirai rien du sixième Discours, où il tâche d’expliquer comment se font nos sensations : quelque ingénieuses que soient ses hypothèses, il est aisé de sentir qu’elles sont gratuites ; et comme il n’y a presque rien de mathématique dans cette partie, il est inutile de nous y arrêter.

Dans le septième et le huitième Discours, Descartes donne une belle théorie géométrique sur les formes que doivent avoir les verres pour produire les effets qui peuvent servir à la perfection de la vision, et, après avoir examiné ce qui arrive aux rayons qui traversent ces verres de différentes formes, il conclut que les verres elliptiques et hyperboliques sont les meilleurs de tous pour rassembler les rayons ; et il finit par donner, dans le neuvième Discours, la manière de construire les lunettes de longue vue, et, dans le dixième et dernier Discours, celle de tailler les verres.

Cette partie de l’ouvrage de Descartes, qui est proprement la seule partie mathématique de son Traité, est plus fondée et beaucoup mieux raisonnée que les précédentes ; cependant on n’a point appliqué sa théorie à la pratique, on n’a pas taillé des verres elliptiques ou hyperboliques, et l’on a oublié ces fameuses ovales qui font le principal objet du second livre de sa géométrie : la différente réfrangibilité des rayons, qui était inconnue à Descartes, n’a pas été découverte que cette théorie géométrique a été abandonnée. Il est en effet démontré qu’il n’y a pas autant à gagner par le choix de ces formes qu’il y a à perdre par la différente réfrangibilité des rayons, puisque, selon leur différent degré de réfrangibilité, ils se rassemblent plus ou moins près ; mais comme l’on est parvenu à faire des lunettes achromatiques, dans lesquelles on compense la différente réfrangibilité des rayons par des verres de différente densité, il serait très utile aujourd’hui de tailler des verres hyperboliques ou elliptiques, si l’on veut donner aux lunettes achromatiques toute la perfection dont elles sont susceptibles.

Après ce que je viens d’exposer, il me semble que l’on ne devrait pas être surpris que Descartes eût mal prononcé au sujet des miroirs d’Archimède, puisqu’il ignorait un si grand nombre de choses qu’on a découvertes depuis ; mais comme c’est ici le point particulier que je veux examiner, il faut rapporter ce qu’il en a dit, afin qu’on soit plus en état d’en juger.

« Vous pouvez aussi remarquer, par occasion, que les rayons du soleil, ramassés par le verre elliptique, doivent brûler avec plus de force qu’étant rassemblés par l’hyperbolique, car il ne faut pas seulement prendre garde aux rayons qui viennent du centre du soleil, mais aussi à tous les autres qui, venant des autres points de la superficie, n’ont pas sensiblement moins de force que ceux du centre ; en sorte que la violence de la chaleur qu’ils peuvent causer se doit mesurer par la grandeur du corps qui les assemble, comparée avec celle de l’espace où il les assemble… sans que la grandeur du diamètre de ce corps y puisse rien ajouter, ni sa figure particulière, qu’environ un quart ou un tiers tout au plus ; il est certain que cette ligne brûlante à l’infini, que quelques-uns ont imaginée, n’est qu’une rêverie. »

Jusqu’ici il n’est question que de verres brûlants par réfraction, mais ce raisonnement doit s’appliquer de même aux miroirs par réflexion, et avant que de faire voir que l’auteur n’a pas tiré de cette théorie les conséquences qu’il devait en tirer, il est bon de lui répondre d’abord par l’expérience. Cette ligne brûlante à l’infini, qu’il regarde comme une rêverie, pourrait s’exécuter par des miroirs de réflexion semblables au mien, non pas à une distance infinie, parce que l’homme ne peut rien faire d’infini, mais à une distance indéfinie assez considérable. Car supposons que mon miroir au lieu d’être composé de deux cent vingt-quatre petites glaces, fût composé de deux mille, ce qui est possible ; il n’en faut que vingt pour brûler à 20 pieds, et le foyer étant comme une colonne de lumière, ces vingt glaces brûlent en même temps à 17 et à 23 pieds ; avec vingt-cinq autres glaces, je ferai un foyer qui brûlera depuis 23 jusqu’à 30 ; avec vingt-neuf glaces, un foyer qui