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vingt-quatre angles ou vingt-quatre côtés des petits miroirs. Il est aisé de sentir qu’il y a en effet de l’avantage à donner à ces miroirs une figure polygone d’un grand nombre de côtés égaux, afin que la quantité de lumière soit moins inégalement répartie dans l’image réfléchie, et elle sera répartie le moins inégalement qu’il est possible, lorsque les miroirs seront circulaires. J’ai bien vu qu’il y avait de la perte à employer des miroirs quadrangulaires, longs de 6 pouces sur 8 pouces ; mais j’ai préféré cette forme parce qu’elle est, comme je l’ai dit, plus avantageuse pour brûler horizontalement.

J’ai aussi trouvé, dans la même dissertation de M. Melot, que le P. Kircher avait écrit qu’Archimède avait pu brûler à une grande distance avec des miroirs plans, et que l’expérience lui avait appris qu’en réunissant de cette façon les images du soleil, on produisait une chaleur considérable au point de réunion.

Enfin, dans les Mémoires de l’Académie, année 1726, M. du Fay, dont j’honorerai toujours la mémoire et les talents, paraît avoir touché à cette découverte : il dit « qu’ayant reçu l’image du soleil sur un miroir plan de 1 pied carré, et l’ayant portée jusqu’à 600 pieds sur un miroir concave de 17 pouces de diamètre, elle avait encore la force de brûler des matières combustibles au foyer de ce dernier miroir. » Et à la fin de son Mémoire il dit « que quelques auteurs (il veut sans douter parler du P. Kircher) ont proposé de former un miroir d’un très long foyer par un grand nombre de petits miroirs plans, que plusieurs personnes tiendraient à la main, et dirigeraient de façon que les images du soleil formées par chacun de ces miroirs concourraient en un même point, et que ce serait peut-être la façon de réussir la plus sûre et la moins difficile à exécuter. » Un peu de réflexion sur l’expérience du miroir concave et sur ce projet aurait porté M. du Fay à la découverte du miroir d’Archimède, qu’il traite cependant de fable un peu plus haut ; car il me paraît qu’il était tout naturel de conclure de son expérience que, puisqu’un miroir concave de 17 pouces de diamètre sur lequel l’image du soleil ne tombait pas tout entière, à beaucoup près, peut cependant brûler par cette seule partie de l’image du soleil réfléchie à 600 pieds, dans un foyer que je suppose large de 3 lignes, onze cent cinquante-six miroirs plans, semblables au premier miroir réfléchissant, doivent à plus forte raison brûler directement à cette distance de 600 pieds, et que par conséquent deux cent quatre-vingt-neuf miroirs plans auraient été plus que suffisants pour brûler à 300 pieds, en réunissant les deux cent quatre-vingt-neuf images ; mais, en fait de découverte, le dernier pas, quoique souvent le plus facile, est cependant celui qu’on fait le plus rarement.

Mon Mémoire, tel qu’on vient de le lire, a été imprimé dans le volume de l’Académie des Sciences, année 1747, sous le titre : Invention des miroirs pour brûler à une grande distance. Feu M. Bouguer, et quelques autres membres de cette savante compagnie, m’ayant fait quelques objections, tirées principalement de la doctrine de Descartes, dans son Traité de Dioptrique, je crus devoir y répondre par le Mémoire suivant, qui fut lu à l’Académie la même année, mais que je ne fis pas imprimer par ménagement pour mes adversaires en opinion. Cependant, comme il contient plusieurs choses utiles, et qu’il pourra servir de préservatif contre les erreurs contenues dans quelques livres d’optique, surtout dans celui de la Dioptrique de Descartes, que d’ailleurs il sert d’explication et de suite au Mémoire précédent, j’ai jugé à propos de les joindre ici et de les publier ensemble.