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avec les miroirs ordinaires, dont le foyer est ou très faible, ou cent fois plus petit que celui de mon miroir. J’ai remarqué que les métaux, et surtout l’argent, fument beaucoup avant de se fondre : la fumée en était si sensible qu’elle faisait ombre sur le terrain ; et c’est là où je l’observai attentivement, car il n’est pas possible de regarder un instant le foyer, lorsqu’il tombe sur du métal : l’éclat en est beaucoup plus vif que celui du soleil.

Les expériences que j’ai rapportées ci-dessus, et qui ont été faites dans les premiers temps de l’invention de ces miroirs, ont été suivies d’un grand nombre d’autres expériences qui confirment les premières. J’ai enflammé du bois jusqu’à 200 et même 210 pieds avec ce même miroir, par le soleil d’été, toutes les fois que le ciel était pur, et je crois pouvoir assurer qu’avec quatre semblables miroirs on brûlerait à 400 pieds et peut-être plus loin. J’ai de même fondu tous les métaux et minéraux métalliques à 24, 30 et 40 pieds. On trouvera, dans la suite de cet article, les usages auxquels on peut appliquer ces miroirs, et les limites qu’on doit assigner à leur puissance pour la calcination, la combustion, la fusion, etc.

Il faut environ une demi-heure pour monter le miroir, et pour faire coïncider toutes les images au même point ; mais, lorsqu’il est une fois ajusté, on peut s’en servir à toute heure, en tirant seulement un rideau ; il mettra le feu aux matières combustibles très promptement, et on ne doit pas le déranger à moins qu’on ne veuille changer la distance : par exemple, lorsqu’il est arrangé pour brûler à 100 pieds, il faut une demi-heure pour l’ajuster à la distance de 150 pieds, et ainsi des autres.

Ce miroir brûle en haut, en bas et horizontalement, suivant la différente inclinaison qu’on lui donne ; les expériences que je viens de rapporter, ont été faites publiquement au Jardin du Roi, sur un terrain horizontal, contre des planches posées verticalement : je crois qu’il n’est pas nécessaire d’avertir qu’il aurait brûlé avec plus de force en haut, et moins de force en bas ; et, de même, il est plus avantageux d’incliner le plan des matières combustibles parallèlement au plan du miroir : ce qui fait qu’il a cet avantage de brûler en haut, en bas et horizontalement, sur les miroirs ordinaires de réflexion qui ne brûlent qu’en haut, c’est que son foyer est fort éloigné, et qu’il a si peu de courbure qu’elle est insensible à l’œil ; il est large de 7 pieds, et haut de 8 pieds, ce qui ne fait qu’environ la 150e partie de la circonférence de la sphère, lorsqu’on brûle à 150 pieds.

La raison qui m’a déterminé à préférer des glaces de 6 pouces de largeur sur 8 pouces de hauteur à des glaces carrées de 6 ou 8 pouces, c’est qu’il est beaucoup plus commode de faire des expériences sur un terrain horizontal et de niveau, que de les faire de bas en haut, et qu’avec cette figure plus haute que large, les images étaient plus rondes, au lieu qu’avec des glaces carrées, elles auraient été raccourcies surtout pour les petites distances, dans cette situation horizontale.

Cette découverte nous fournit plusieurs choses utiles pour la physique, et peut-être pour les arts. On sait que ce qui rend les miroirs ordinaires de réflexion presque inutiles pour les expériences, c’est qu’ils brûlent toujours en haut, et qu’on est fort embarrassé de trouver des moyens pour suspendre ou soutenir à leur foyer les matières qu’on veut fondre ou calciner. Au moyen de mon miroir, on fera brûler en bas les miroirs concaves, et avec

    fois pendant plus de huit ou dix minutes avant de se fondre. J’avais dessein de recueillir cette fumée d’argent par le moyen d’un chapiteau et d’un ajustement semblable à celui dont on se sert dans les distillations, et j’ai toujours eu regret que mes autres occupations m’en aient empêché ; car cette manière de tirer l’eau du métal est peut-être la seule que l’on puisse employer. Et si l’on prétend que cette fumée qui m’a paru humide ne contient pas de l’eau, il serait toujours très utile de savoir ce que c’est, car il se peut aussi que ce ne soit que du métal volatilisé. D’ailleurs je suis persuadé qu’en faisant les mêmes épreuves sur l’or, on le verra fumer comme l’argent, peut-être moins, peut-être plus.