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J’ai donc cherché le moyen de faire des miroirs pour brûler à de grandes distances, comme de 100, de 200 et 300 pieds : je savais en général qu’avec les miroirs par réflexion l’on n’avait jamais brûlé qu’à 15 ou 20 pieds tout au plus, et qu’avec ceux qui sont réfringents, la distance était encore plus courte, et je sentais bien qu’il était impossible, dans la pratique, de travailler un miroir de métal ou de verre avec assez d’exactitude pour brûler à ces grandes distances ; que pour brûler, par exemple, à 200 pieds, la sphère ayant dans ce cas 800 pieds de diamètre, on ne pouvait rien espérer de la méthode ordinaire de travailler les verres, et je me persuadai bientôt que, quand même on pourrait en trouver une nouvelle pour donner à de grandes pièces de verre ou de métal une courbure aussi légère, il n’en résulterait encore qu’un avantage très peu considérable, comme je le dirai dans la suite.

Mais, pour aller par ordre, je cherchai d’abord combien la lumière du soleil perdait par la réflexion à différentes distances, et quelles sont les matières qui la réfléchissent le plus fortement. Je trouvai premièrement que les glaces étamées, lorsqu’elles sont polies avec un peu de soin, réfléchissent plus puissamment la lumière que les métaux les mieux polis, et même mieux que le métal composé dont on se sert pour faire des miroirs de télescopes ; et que, quoiqu’il y ait dans les glaces deux réflexions, l’une à la surface et l’autre à l’intérieur, elles ne laissent pas de donner une lumière plus vive et plus nette que le métal, qui produit une lumière colorée.

En second lieu, en recevant la lumière du soleil dans un endroit obscur, et en la comparant avec cette même lumière du soleil réfléchie par une glace, je trouvai qu’à de petites distances, comme 4 ou 5 pieds, elle ne perdait qu’environ moitié par la réflexion, ce que je jugeai en faisant tomber sur la première lumière réfléchie une seconde lumière aussi réfléchie : car la vivacité de ces deux lumières réfléchies me parut égale à celle de la lumière directe.

Troisièmement, ayant reçu à de grandes distances, comme à 100, 200 et 300 pieds, cette même lumière réfléchie par de grandes glaces, je reconnus qu’elle ne perdait presque rien de sa force par l’épaisseur de l’air qu’elle avait à traverser.

Ensuite je voulus essayer les mêmes choses sur la lumière des bougies ; et, pour m’assurer plus exactement de la quantité d’affaiblissement que la réflexion cause à cette lumière, je fis l’expérience suivante :

Je me mis vis-à-vis une glace de miroir, avec un livre à la main, dans une chambre où l’obscurité de la nuit était entière, et où je ne pouvais distinguer aucun objet : je fis allumer dans une chambre voisine, à 40 pieds de distance environ, une seule bougie, et je la fis approcher peu à peu, jusqu’à ce que je pusse distinguer les caractères et lire le livre que j’avais à la main ; la distance se trouva de 24 pieds du livre à la bougie : ensuite ayant retourné le livre du côté du miroir, je cherchai à lire par cette même lumière réfléchie, et je fis intercepter par un paravent la partie de la lumière directe qui ne tombait pas sur le miroir, afin de n’avoir sur mon livre que la lumière réfléchie. Il fallut approcher la bougie, ce qu’on fit peu à peu, jusqu’à ce que je pusse lire les mêmes caractères éclairés par la lumière réfléchie ; et alors la distance du livre à la bougie, y compris celle du livre au miroir, qui n’était que de 1/2 pied, se trouva être en tout de 15 pieds ; je répétai cela plusieurs fois, et j’eus toujours les mêmes résultats à très peu près : d’où je conclus que la force ou la quantité de la lumière directe est à celle de la lumière réfléchie comme 576 à 225 : ainsi l’effet de la lumière de cinq bougies reçues par une glace plane est à peu près égal à celui de la lumière directe de deux bougies.

La lumière des bougies perd donc plus par la réflexion que la lumière du soleil ; et

    qui venait de servir. Ces expériences firent à l’époque beaucoup de bruit, un grand nombre de personnes les renouvelèrent et Buffon en retira une grande popularité.