Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 2.pdf/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perdu qu’environ trois huitièmes ; 2o elle ne saisit pas l’eau avec la même avidité que la chaux vive ordinaire : lorsqu’on l’y plonge, elle ne donne d’abord aucun signe de chaleur ni d’ébullition, mais peu après elle se gonfle, se divise et s’élève, en sorte qu’on n’a pas besoin de la remuer comme on remue la chaux vive ordinaire pour l’éteindre ; 3o cette chaux a une saveur beaucoup plus âcre que la chaux commune, elle contient par conséquent beaucoup plus d’alcali fixe ; 4o elle est infiniment meilleure, plus liante et plus forte que l’autre chaux, et tous les ouvriers n’en emploient qu’environ les deux tiers de l’autre, et assurent que le mortier est encore excellent ; 5o cette chaux ne s’éteint à l’air qu’après un temps très long, tandis qu’il ne faut qu’un jour ou deux pour réduire la chaux vive commune en poudre à l’air libre : celle-ci résiste à l’impression de l’air pendant un mois où cinq semaines ; 6o au lieu de se réduire en farine ou en poussière sèche comme la chaux commune, elle conserve son volume, et lorsqu’on la divise en l’écrasant, toute la masse paraît ductile et pénétrée d’une humidité grasse et liante, qui ne peut provenir que de l’humidité de l’air que la pierre a puissamment attiré et absorbé pendant les cinq semaines de temps employées à son extinction. Au reste, la chaux que l’on tire communément des fourneaux de forge a toutes ces mêmes propriétés : ainsi la chaleur obscure et lente produit encore ici les mêmes effets que le feu le plus vif et le plus violent.

Il sortit de cette démolition de l’intérieur du fourneau deux cent trente-deux quartiers de pierre de taille, tous calcinés plus ou moins profondément ; ces quartiers avaient communément 4 pieds de longueur, la plupart étaient en chaux jusqu’à 18 pouces et les autres à 2 pieds et même 2 pieds 1/2, et cette portion calcinée se séparait aisément du reste de la pierre qui était saine et même plus dure que quand on l’avait posée pour bâtir le fourneau. Cette observation m’engagea à faire les expériences suivantes.


QUATRIÈME EXPÉRIENCE.

Je fis poser dans l’air et dans l’eau trois morceaux de ces pierres qui, comme l’on voit, avaient subi la plus grande chaleur qu’elles pussent éprouver sans se réduire en chaux, et j’en comparai la pesanteur spécifique avec celle de trois autres morceaux à peu près du même volume, que j’avais fait prendre dans d’autres quartiers de cette même pierre qui n’avaient point été employés à la construction du fourneau, ni par conséquent chauffés, mais qui avaient été tirés de La même carrière neuf mois auparavant, et qui étaient restés à l’exposition du soleil et de l’air. Je trouvai que la pesanteur spécifique des pierres échauffées à ce grand feu pendant cinq mois avait augmenté, qu’elle était constamment plus grande que celle de la même pierre non échauffée, d’un 81esur le premier morceau, d’un 90e sur le second et d’un 85e sur le troisième : donc la pierre chauffée au degré voisin de sa calcination gagne au moins un 86ede masse, au lieu qu’elle en perd trois huitièmes par la calcination qui ne suppose que 1 degré de chaleur de plus. Cette différence ne peut venir que de ce qu’à un certain degré de violente chaleur où de feu, tout l’air et toute l’eau transformés en matière fixe dans la pierre reprennent leur première nature, leur élasticité, leur volatilité, et que dès lors ils se dégagent de la pierre et s’élèvent en vapeurs, que le feu enlève et entraîne avec lui. Nouvelle preuve que la pierre en très grande partie composée d’air fixe et d’eau fixe saisis et transformés en matière solide par le filtre animal.

Après ces expériences, j’en fis d’autres sur cette même pierre échauffée à un moindre degré de chaleur, mais pendant un temps aussi long ; je fis détacher pour cela trois morceaux des parois extérieures de la lunette de la tuyère, dans un endroit ou la chaleur était à peu près de 95 degrés, parce que le soufre appliqué contre la muraille s’y ramollissait et commençait à fondre, et que ce degré de chaleur est à très peu près celui auquel le soufre entre en fusion. Je trouvai, par trois épreuves semblables aux précédentes, que cette même