Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 2.pdf/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

haut en bas lorsque je fis cesser le vent ; toutes les pierres des parois étaient rouges du feu qui les pénétrait depuis quatre mois. Toute cette chaleur ne pouvait s’exhaler que par deux petites fentes qui s’étaient faites au mur du fourneau, et que je fis remplir de bon mortier afin de lui ôter encore ces issues ; trois jours après je fis déboucher le gueulard, et je vis avec quelque surprise que, malgré cette chaleur immense renfermée dans le fourneau, le charbon ardent, quoique comprimé par la mine et chargé de 1 620 livres, n’avait baissé que de 16 pouces en trois jours ou soixante-douze heures. Je fis sur-le-champ remplir ces 16 pouces de vide avec vingt-cinq mesures de mine, pesant ensemble 1 500 livres. Trois jours après je fis déboucher cette même ouverture du gueulard, et je trouvai le même vide de 16 pouces, et par conséquent la même diminution, ou, si l’on veut, le même affaissement du charbon ; je fis remplir de même avec 1 500 livres de mine ; ainsi il y en avait déjà 4 620 livres sur le charbon, qui était tout embrasé lorsqu’on avait commencé de fermer le fourneau. Six jours après je fis déboucher le gueulard pour la troisième fois, et je trouvai que pendant ces six jours le charbon n’avait baissé que de 20 pouces, que l’on remplit avec 1 860 livres de mine ; enfin neuf jours après on déboucha pour la quatrième fois, et je vis que pendant ces neuf derniers jours le charbon n’avait baissé que de 11 pouces, que je fis remplir de 1 920 livres de mine ; ainsi il y en avait en tout 8 400 livres : on referma le gueulard avec les mêmes précautions, et le lendemain, c’est-à-dire vingt-deux jours après avoir bouché pour la première fois, je fis rompre la petite maçonnerie de briques qui bouchait l’ouverture de la coulée en laissant toujours fermée celle du gueulard, afin d’éviter le courant d’air qui aurait enflammé le charbon. La première chose que l’on tira par l’ouverture de la coulée furent des morceaux réduits en chaux dans l’ouvrage du fourneau ; on y trouva aussi quelques petits morceaux de mâchefer, quelques autres d’une fonte mal dirigée, et environ 1 livre 1/2 de très bon fer qui s’était formé par coagulation. On tira près d’un tombereau de toutes ces matières, parmi lesquelles il y avait aussi quelques morceaux de mine brûlée, et presque réduite en mauvais laitier : cette mine brûlée ne provenait pas de celle que j’avais fait imposer sur les charbons après avoir fait cesser le vent, mais de celle qu’on y avait jetée sur la fin du fondage, qui s’était attachée aux parois du fourneau, et qui ensuite était tombée dans le creuset avec les parties de pierres calcinées auxquelles elle était unie.

Après avoir tiré ces matières on fit tomber le charbon ; le premier qui parut était à peine rouge, mais dès qu’il eut de l’air il devint très rouge ; on ne perdit pas un instant à le tirer, et on l’éteignait en même temps en jetant de l’eau dessus. Le gueulard étant toujours bien fermé, on tira tout le charbon par l’ouverture de la coulée, et aussi toute la mine dont je l’avais fait charger. La quantité de ce charbon tiré du fourneau montait à cent quinze corbeilles ; en sorte que pendant ces vingt-deux jours d’une chaleur si violente, il paraissait qu’il ne s’en était consumé que dix-sept corbeilles, car toute la capacité du fourneau n’en contient que cent trente-cinq ; et comme il y avait 16 pouces 1/2 de vide lorsqu’on le boucha, il faut déduire deux corbeilles qui auraient été nécessaires pour remplir le vide.

Étonné de cette excessivement petite consommation du charbon pendant vingt-deux jours de l’action de la plus violente chaleur qu’on eût jamais enfermée, je regardai ces charbons de plus près, et je vis que quoiqu’ils eussent aussi peu perdu sur leur volume, ils avaient beaucoup perdu sur leur masse, et que, quoique l’eau avec laquelle on les avait éteints leur eût rendu du poids, ils étaient encore d’environ un tiers plus légers que quand on les avait jetés au fourneau ; cependant les ayant fait transporter aux petites chaufferies des martinets et de la batterie, ils se trouvèrent encore assez bons pour chauffer, même à blanc, les petites barres de fer qu’on fait passer sous ces marteaux.

On avait tiré la mine en même temps que le charbon, et on l’avait soigneusement séparée et mise à part : la très violente chaleur qu’elle avait essuyée pendant un si long