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CINQUIÈME MÉMOIRE

EXPÉRIENCES SUR LES EFFETS DE LA CHALEUR OBSCURE.

Pour reconnaître les effets de la chaleur obscure, c’est-à-dire de la chaleur privée de lumière, de flamme et de feu libre, autant qu’il est possible, j’ai fait quelques expériences en grand, dont les résultats m’ont paru très intéressants.


PREMIÈRE EXPÉRIENCE.

On a commencé, sur la fin d’août 1772, à mettre des braises ardentes dans le creuset du grand fourneau qui sert à fondre la mine de fer pour la couler en gueuses ; ces braises ont achevé de sécher les mortiers qui étaient faits de glaise mêlée par égale portion avec du sable vitrescible. Le fourneau avait 23 pieds de hauteur. On a jeté par le gueulard (c’est ainsi qu’on appelle l’ouverture supérieure du fourneau) les charbons ardents que l’on tirait des petits fourneaux d’expériences ; on a mis successivement une assez grande quantité de ces braises pour remplir le bas du fourneau jusqu’à la cuve (c’est ainsi qu’on appelle l’endroit de la plus grande capacité du fourneau), qui dans celui-ci montait à 7 pieds 2 pouces de hauteur perpendiculaire depuis le fond du creuset. Par ce moyen, on a commencé de donner au fourneau une chaleur modérée qui ne s’est pas fait sentir dans la partie la plus élevée.

Le 10 septembre, on a vidé toutes ces braises réduites en cendres par l’ouverture du creuset, et lorsqu’il a été bien nettoyé on y a mis quelques charbons ardents et d’autres charbons par-dessus, jusqu’à la quantité de 600 livres pesant ; ensuite on a laissé prendre le feu, et le lendemain 11 septembre, on a achevé de remplir le fourneau avec 4 000 livres de charbon : ainsi il contient en tout 5 400 livres de charbon, qui ont été portées en cent trente-cinq corbeilles de 40 livres chacune, tare faite.

On a laissé pendant ce temps l’entrée du creuset ouverte, et celle de la tuyère bien bouchée pour empêcher le feu de se communiquer aux soufflets. La première impression de la grande chaleur, produite par le long séjour des braises ardentes et par cette première combustion du charbon, s’est marquée par une petite fente qui s’est faite dans la pierre du fond à l’entrée du creuset, et par une autre fente qui s’est faite dans la pierre de la tympe. Le charbon, néanmoins, quoique fort allumé dans le bas, ne l’était encore qu’à une très petite hauteur, et le fourneau ne donnait au gueulard qu’assez peu de fumée, ce même jour 12 septembre à six heures du soir : car cette ouverture supérieure n’était pas bouchée, non plus que l’ouverture du creuset.

À neuf heures du soir du même jour, la flamme a percé jusque au-dessus du fourneau, et comme elle est devenue très vive en peu de temps, on a bouché l’ouverture du creuset à dix heures du soir. La flamme, quoique fort ralentie par cette suppression du courant d’air, s’est soutenue pendant la nuit et le jour suivant ; en sorte que le lendemain 13 septembre, vers les quatre heures du soir, le charbon avait baissé d’un peu plus de 4 pieds. On a rempli ce vide à cette même heure avec onze corbeilles de charbon, pesant ensemble 440 livres ; ainsi le fourneau a été chargé en tout de 5 840 livres de charbon.

Ensuite on a bouché l’ouverture supérieure du fourneau avec un large couvercle de forte tôle, garni tout autour avec du mortier de glaise et sable mêlé de poudre de char-