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aurait contenu quatre segments aux quatre coins du carré inscrit au cercle, de plus que le fil de fer rond, d’une ligne de diamètre.

Or cette disproportion dans la force du fer en gros et du fer en petit est énorme. Le gros fer, que j’avais employé, venait de la forge d’Aisy-sous-Rougermont ; il était sans nerf et à gros grain, et j’ignore de quelle forge était mon fil de fer ; mais la différence de la qualité du fer, quelque grande qu’on voulût la supposer, ne peut pas faire celle qui se trouve ici dans leur résistance, qui, comme l’on voit, est douze fois moindre dans le gros fer que dans le petit.


III. — J’ai fait rompre une autre boucle de fer de 18 lignes 1/2 de grosseur, du même fer de la forge d’Aisy ; elle ne supporta de même 28 450 livres, et rompit encore presque dans le milieu des deux montants.


IV. — J’avais fait faire en même temps une boucle du même fer que j’avais fait reforger pour le partager en deux, en sorte qu’il se trouva réduit à une barre de 9 lignes sur 18 ; l’ayant mise à l’épreuve, elle supporta avant de rompre, la charge de 17 300 livres, tandis qu’elle n’aurait dû porter, tout au plus que 14 milliers, si elle n’eût pas été forgée une seconde fois.


V. — Une autre boucle de fer de 16 lignes 3/4 de grosseur, ce qui fait pour chaque montant à peu près 280 lignes carrées, c’est-à-dire 560, a porté 24 600 livres, au lieu qu’elle n’aurait dû porter que 22 400 livres, si je ne l’eusse pas fait forger une seconde fois.


VI. — Un cadre de fer de la même qualité, c’est-à-dire sans nerf et à gros grains, et venant de la même forge d’Aisy, que j’avais fait établir pour empêcher l’écartement des murs du haut fourneau de mes forges, et qui avait 26 pieds d’un côté sur 22 pieds de l’autre, ayant cassé par l’effort de la chaleur du fourneau dans les deux points milieux des deux plus longs côtés, j’ai vu que je pouvais comparer ce cadre aux boucles des expériences précédentes, parce qu’il était du même fer, et qu’il a cassé de la même manière : or ce fer avait 21 lignes de gros, ce qui fait 441 lignes carrées, et ayant rompu comme les boucles aux deux côtés opposés, cela fait 882 lignes carrées qui se sont séparées par l’effort de la chaleur. Et comme nous avons trouvé par les expériences précédentes, que 696 lignes carrées du même fer ont cassé sous le poids de 28 milliers, on doit en conclure que 882 lignes de ce même fer n’auraient rompu que sous un poids de 35 480 livres, et que par conséquent l’effort de la chaleur devait être estimé comme un poids de 35 480 livres. Ayant fait fabriquer pour contenir le mur intérieur de mon fourneau, dans le fondage qui se fit après la rupture de ce cadre, un cercle de 26 pieds 1/2 de circonférence, avec du fer nerveux provenant de la fonte et de la fabrique de mes forges, cela m’a donné le moyen de comparer la ténacité du bon fer avec celle du fer commun. Ce cercle de 26 pieds 1/2 de circonférence était de deux pièces, retenues et jointes ensemble par deux clavettes de fer passées dans les anneaux forgés au bout des deux bandes de fer ; la largeur de ces bandes était de 30 lignes sur 5 d’épaisseur : cela fait 150 lignes carrées qu’on ne doit pas doubler, parce que si ce cercle eût rompu, ce n’aurait été qu’en un seul endroit, et non pas en deux endroits opposés comme les boucles et le grand cadre carré. Mais l’expérience me démontra que pendant un fondage de quatre mois, où la chaleur était même plus grande que dans le fondage précédent, ces 150 lignes de bon fer résistèrent à son effort qui était de 35 480 livres ; d’où l’on doit conclure avec certitude que le bon fer, c’est-à-dire le fer qui est presque tout nerf, est au moins cinq fois aussi tenace que le fer sans nerf à gros grains.

Que l’on juge par là de l’avantage qu’on trouverait à n’employer que du fer nerveux