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5o Il paraît que ni la fusion ni la coupellation ne peuvent détruire dans le platine tout le fer dont il est intimement pénétré ; les boutons fondus ou coupellés paraissaient à la vérité également insensibles à l’action de l’aimant, mais les ayant brisés dans un mortier d’agate et sur un tas d’acier, nous y avons retrouvé des parties magnétiques, d’autant plus abondantes que le platine était réduit en poudre plus fine : le premier bouton, dont les grains ne s’étaient qu’agglutinés, rendit, étant broyé, beaucoup plus de parties magnétiques que le second et le troisième, dont les grains avaient subi une plus forte fusion ; mais néanmoins tous deux, étant broyés, fournirent des parties magnétiques, en sorte qu’on ne peut douter qu’il n’y ait encore du fer dans le platine, après qu’il a subi les plus violents efforts du feu et l’action dévorante du plomb dans la coupelle : ceci semble achever de démontrer que ce minéral est réellement un mélange intime d’or et de fer, que jusqu’à présent l’art n’a pu séparer ;

6o Je fis encore, avec M. de Morveau, une autre observation sur ce platine fondu et ensuite broyé, c’est qu’il reprend, en se brisant, précisément la forme de galets arrondis et aplatis qu’il avait avant d’être fondu ; tous les grains de ce platine fondu et brisé sont semblables à ceux du platine naturel, tant pour la forme que pour la variété de grandeur, et ils ne paraissent en différer que parce qu’il n’y a que les plus petits qui se laissent enlever à l’aimant, et en quantité d’autant moindre que le platine a subi plus de feu. Cela paraît prouver aussi que, quoique le feu ait été assez fort, non seulement pour brûler et vitrifier, mais même pour chasser au dehors une partie du fer avec les autres matières vitrescibles qu’il contient, la fusion néanmoins n’est pas aussi complète que celle des autres métaux parfaits, puisqu’en le brisant les grains reprennent la même figure qu’ils avaient avant la fonte.




QUATRIÈME MÉMOIRE

EXPÉRIENCES SUR LA TÉNACITÉ ET SUR LA DÉCOMPOSITION DU FER.

On a vu, dans le premier Mémoire, que le fer perd de sa pesanteur à chaque fois qu’on le chauffe à un feu violent, et des boulets, chauffés trois fois jusqu’au blanc, ont perdu la douzième partie de leur poids ; on serait d’abord porté à croire que cette perte ne doit être attribuée qu’à la diminution du volume du boulet, par les scories qui se détachent et tombent en petites écailles ; mais si l’on fait attention que les petits boulets, dont par conséquent la surface est plus grande, relativement au volume, que celle des gros, perdent moins, et que les gros boulets perdent proportionnellement plus que les petits, on sentira bien que la perte totale de poids ne doit pas être simplement attribuée à la chute des écailles qui se détachent de la surface, mais encore à une altération intérieure de toutes les parties de la masse que le feu violent diminue, et rend d’autant plus légère qu’il est appliqué plus souvent et plus longtemps[1].

Et en effet, si l’on recueille à chaque fois les écailles qui se détachent de la surface des boulets, on trouvera que sur un boulet de cinq pouces qui, par exemple aura perdu huit onces par une première chaude, il n’y aura pas une once de ces écailles détachées, et que

  1. Une expérience familière et qui semble prouver que le fer perd de sa masse à mesure qu’on le chauffe, même à un feu très médiocre, c’est que les fers à friser, lorsqu’on les a souvent trempés dans l’eau pour les refroidir, ne conservent pas le même degré de chaleur au bout d’un temps. Il s’en élève aussi des écailles lorsqu’on les a souvent chauffés et trempés ; ces écailles sont du véritable fer.