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pour cela je mis ce bouton dans une coupelle neuve ; je disposai le tout comme dans la troisième expérience, je me servis du même fourneau, en observant de dégager continuellement la grille, d’entretenir au-devant, dans le courant d’air qu’il attirait, une évaporation continuelle par le moyen d’une capsule que je remplissais d’eau de temps en temps, et de laisser un moment la chape entr’ouverte lorsqu’on venait de remplir le fourneau de charbon ; ces précautions augmentèrent tellement l’activité du feu, qu’il fallait recharger de dix minutes en dix minutes ; je le soutins au même degré pendant quatre heures, et je laissai refroidir.

» Je reconnus le lendemain que le creuset de plomb noir avait résisté, que les supports n’étaient que faïencés par les cendres ; je trouvai dans la coupelle un bouton bien rassemblé, nullement adhérent, d’une couleur continue et uniforme, approchant plus de la couleur de l’étain que de tout autre métal, seulement un peu raboteux ; en un mot pesant 1 gros très juste, rien de plus, rien de moins.

» Tout annonçait donc que ce platine avait éprouvé une fusion parfaite, qu’il était parfaitement pur, car, pour supposer qu’il tenait encore du plomb, il faudrait supposer aussi que ce minéral avait justement perdu de sa propre substance autant qu’il avait retenu de matière étrangère, et une telle précision ne peut être l’effet d’un pur hasard.

» Je devais passer quelques jours avec M. le comte de Buffon, dont la société a, je puis le dire, le même charme que son style, dont la conversation est aussi pleine que ses livres ; je me fis un plaisir de lui porter les produits de ces essais, et je me remis à les examiner ultérieurement avec lui.

» 1o Nous avons observé que le gros de platine agglutiné de la première expérience n’était pas attiré en bloc par l’aimant, que cependant le barreau magnétique avait une action marquée sur les grains que l’on en détachait.

» 2o Le demi-gros de la troisième expérience n’étaient non seulement pas attirable en masse, mais les grains que l’on en séparait ne donnaient plus eux-mêmes aucun signe de magnétisme.

» 3o Le bouton de la quatrième expérience était aussi absolument insensible à l’approche de l’aimant, ce dont nous nous assurâmes en mettant le bouton en équilibre dans une balance très sensible, et en lui présentant un très fort aimant jusqu’au contact, sans que son approche ait le moindrement dérangé l’équilibre.

» 4o La pesanteur spécifique de ce bouton fut déterminée par une bonne balance hydrostatique, et, pour plus de sûreté, comparée à l’or de monnaie et au globe d’or très pur employé par M. de Buffon à ses belles expériences sur le progrès de la chaleur ; leur densité se trouva avoir les rapports suivants avec l’eau dans laquelle ils furent plongés :

» Le globe d’or 19 1/34
» L’or de monnaie 17 1/2
» Le bouton de platine 14 2/3

» 5o Ce bouton fut porté sur un tas d’acier pour essayer sa ductilité ; il soutint fort bien quelques coups de marteau ; sa surface devint plane et même un peu polie dans les endroits frappés, mais il se fendit bientôt après, et il s’en détacha une portion, faisant à peu près le sixième de la totalité ; la fracture présenta plusieurs cavités, dont quelques-unes d’environ une ligne de diamètre avaient la blancheur et le brillant de l’argent ; on remarquait dans d’autres de petites pointes élancées, comme les cristallisations dans les géodes ; le sommet de l’une de ces pointes, vu à la loupe, était un globule absolument semblable, pour la forme, à celui de la troisième expérience et aussi de matière vitreuse transparente, autant que son extrême petitesse permettrait d’en juger. Au reste, toutes les parties du bouton étaient compactes, bien liées, et le grain