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y a des mines de platine bien plus pures les unes que les autres, et que dans celles qui le sont le plus, il ne se trouve point de ces corps étrangers. M. Daubenton a aussi remarqué quelques grains aplatis par-dessous et renflés par-dessus, comme serait une goutte de métal fondu qui se serait refroidie sur un plan. J’ai vu très distinctement un de ces grains hémisphériques, et cela pourrait indiquer que le platine est une matière qui a été fondue par le feu ; mais il est bien singulier que dans cette matière fondue par le feu, on trouve de petits cristaux, des topazes et des rubis, et je ne sais pas si l’on ne doit pas soupçonner de la fraude de la part de ceux qui ont fourni ce platine, et qui, pour en augmenter la quantité, auront pu le mêler avec ces sables cristallins, car, je le répète, je n’ai point trouvé de ces cristaux dans plus d’une demi-livre de platine que m’a donnée M. le comte d’Angivillers.

2o J’ai trouvé, comme M. de Milly, des paillettes d’or dans le platine ; elles sont aisées à reconnaître par leur couleur, et parce qu’elles ne sont point du tout magnétiques ; mais j’avoue que je n’ai pas aperçu les globules de mercure qu’a vus M. de Milly. Je ne veux pas pour cela nier leur existence ; seulement il me semble que les paillettes d’or se trouvant avec ces globules de mercure dans la même matière, elles seraient bientôt amalgamées, et ne conserveraient pas la couleur jaune de l’or que j’ai remarqué dans toutes les paillettes d’or que j’ai pu trouver dans une demi-livre de platine[1]. D’ailleurs les globules transparents, dont je viens de parler, ressemblent beaucoup à des globules de mercure vif et brillant, en sorte qu’au premier coup d’œil il est aisé de s’y tromper.

3o Il y avait beaucoup moins de parties ternes et rouillées dans mon premier platine que dans celui de M. de Milly, et ce n’est pas proprement de la rouille qui couvre la surface de ces particules ferrugineuses, mais une substance noire produite par le feu, et tout à fait semblable à celle qui couvre la surface du fer brûlé ; mais mon second platine, c’est-à-dire celui que j’ai pris au Cabinet du Roi, avait encore de commun avec celui de M. le comte de Milly, d’être mélangé de quelques parties ferrugineuses, qui sous le marteau, se réduisaient en poussière jaune et avaient tous les caractères de la rouille. Ainsi ce platine du Cabinet du Roi et celui de M. de Milly se ressemblant à tous égards, il est vraisemblable qu’ils sont venus du même endroit et par la même voie ; je soupçonne même que tous deux ont été sophistiqués et mélangés de près de moitié, avec des matières étrangères cristallines et ferrugineuses rouillées, qui ne se trouvent pas dans le platine naturel.

4o La production du bleu de Prusse par le platine me paraît prouver évidemment la présence du fer dans la partie même de ce minéral qui est la moins attirable à l’aimant, et confirmer en même temps ce que j’ai avancé du mélange intime du fer dans sa substance. Le décapement du platine par l’esprit de nitre prouve que, quoiqu’il n’y ait point d’effervescence sensible, cet acide ne laisse pas d’agir sur le platine d’une manière évidente, et que les auteurs qui ont assuré le contraire ont suivi leur routine ordinaire, qui consiste à regarder comme nulle toute action qui ne produit pas l’effervescence. Ces deux expériences de M. de Milly me paraissent très importantes ; elles seraient même décisives si elles réussissaient toujours également.

5o Il nous manque en effet beaucoup de connaissances qui seraient nécessaires pour pouvoir prononcer affirmativement sur l’origine du platine. Nous ne savons rien de l’histoire naturelle de ce minéral, et nous ne pouvons trop exhorter ceux qui sont à portée de l’examiner sur les lieux, de nous faire part de leurs observations. En attendant, nous sommes forcés de nous borner à des conjectures, dont quelques-unes me paraissent

  1. J’ai trouvé depuis dans d’autre platine des paillettes d’or qui n’étaient pas jaunes, mais brunes et mêmes noires comme le sablon ferrugineux du platine, qui probablement leur avait donné cette couleur noirâtre.