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» Ces scories contenaient encore de l’or, beaucoup de fer sous différents états, et cela en des proportions différentes qui nous sont inconnues, mais qui sont telles qu’elles peuvent avoir donné l’existence au platine. Les globules de mercure que j’ai observés, et les paillettes d’or que j’ai vues distinctement, à l’aide d’une bonne loup, dans le platine que j’ai eu entre les mains, m’ont fait naître les idées que je viens d’écrire sur l’origine de ce métal ; mais je ne les donne que comme conjectures hasardées ; il faudrait, pour en acquérir quelque certitude, savoir au juste où sont situées les mines du platine ; si elles ont été exploitées anciennement, si on le tire d’un terrain neuf ou si ce ne sont que des décombres, à quelle profondeur on le trouve, et enfin si la main des hommes y est exprimée ou non. Tout cela pourrait aider à vérifier ou détruire les conjectures que j’ai avancées[1]. »

REMARQUES.

Ces observations de M. le comte de Milly confirment les miennes dans presque tous les points. La nature est une, et se présente toujours la même à ceux qui la savent observer : ainsi l’on ne doit pas être surpris que sans aucune communication M. de Milly ait vu les mêmes choses que moi, et qu’il en ait tiré la même conséquence : que le platine n’est point un nouveau métal, différent de tous les autres métaux, mais un mélange de fer et d’or. Pour concilier encore de plus près ses observations avec les miennes et pour éclaircir en même temps les doutes qui restent en grand nombre sur l’origine et sur la formation du platine, j’ai cru devoir ajouter les remarques suivantes.

1o M. le comte de Milly distingue dans le platine trois espèces de matières, deux métalliques et la troisième non métallique, de substances et de forme quartzeuse ou cristalline ; il a observé comme moi que des deux matières métalliques, l’une est très attirable par l’aimant, et que l’autre est très peu ou point du tout. J’ai fait mention de ces deux matières comme lui, mais je n’ai pas parlé de la troisième qui n’est pas métallique, parce qu’il n’y en avait point ou très peu dans le platine sur lequel j’ai fait mes observations. Il y a apparence que le platine dont s’est servi M. de Milly était moins pur que le mien que j’ai observé avec soin, et dans lequel je n’ai vu que quelques petits globules transparents comme du verre blanc fondu, qui étaient unis à des particules de platine ou de sablon ferrugineux, et qui se laissaient enlever ensemble par l’aimant. Ces globules transparents étaient en très petit nombre, et dans huit onces de platine que j’ai bien regardé et fait regarder à d’autres avec une loupe très forte, on n’a point aperçu de cristaux réguliers. Il m’a paru au contraire que toutes les particules transparentes étaient globuleuses comme du verre fondu, et toutes attachées à des parties métalliques, comme le laitier s’attache au fer lorsqu’on le fond. Néanmoins comme je ne doutais point du tout de la vérité de l’observation de M. de Milly, qui avait vu dans son platine des particules quartzeuses et cristallines de forme régulière et en grand nombre, j’ai cru ne devoir pas me borner à l’examen du seul platine dont j’ai parlé ci-devant ; j’en ai trouvé au Cabinet du Roi, que j’ai examiné avec M. Daubenton de l’Académie des Sciences, et qui nous a paru à tous deux bien moins pur que le premier, et nous y avons en effet remarqué un grand nombre de petits cristaux prismatiques et transparents, les uns couleur de rubis balais, d’autres couleur de topaze, et d’autres enfin parfaitement blancs : ainsi M. le comte de Milly ne s’était point trompé dans son observation ; mais ceci prouve seulement qu’il

  1. M. le baron de Sickingen, ministre de l’électeur Palatin, a dit à M. de Milly avoir actuellement entre les mains deux mémoires qui lui ont été remis par M. Kellner, chimiste et métallurgiste, attaché à M. le prince de Birckenfeld, à Manheim, qui offre à la cour d’Espagne de rendre à peu près autant d’or pesant qu’on lui livrera de platine.