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celle qui l’était moins, et enfin de celle qui ne l’était pas du tout ; ensuite d’examiner chaque substance en particulier et de les soumettre à différentes épreuves chimiques et mécaniques.

» Je mis à part les parties du platine qui furent attirées avec vivacité à la distance de deux ou trois lignes, c’est-à-dire sans le contact de l’aimant, et je me servis, pour cette expérience, d’un bon aimant factice de M. l’abbé … ; ensuite, je touchai avec ce même aimant le métal, et j’en enlevai tout ce qui voulut céder à l’effort magnétique, que je mis à part ; je pesai ce qui était resté et qui n’était presque plus attirable ; cette matière non attirable, et que je nommerai no 4, pesait vingt-trois grains ; no 1er, qui était le plus sensible à l’aimant, pesait quatre grains ; no 2 pesait de même quatre grains ; et no 3 cinq grains.

» No 1er, examiné à la loupe, n’offrait à la vue qu’un mélange de parties métalliques d’un blanc sale tirant sur le gris, aplaties et arrondies en forme de galets et de sable noir vitriforme, ressemblant à du mâchefer pilé, dans lequel on aperçoit des parties très rouillées, enfin telles que les scories de fer en présentent lorsqu’elles ont été exposées à l’humidité.

» No 2 présentait à peu près la même chose, à l’exception que les parties métalliques dominaient, et qu’il n’y en avait que très peu de rouillées.

» No 3 était la même chose, mais les parties métalliques étaient plus volumineuses : elles ressemblaient à du métal fondu, et qui a été jeté dans l’eau pour le diviser en grenailles ; elles sont aplaties, elles affectent toutes sortes de figures, mais arrondies sur les bords, à la manière des galets qui ont été roulés et polis par les eaux.

» No 4, qui n’avait point été enlevé par l’aimant, mais dont quelques parties donnaient encore des marques de sensibilité au magnétisme, lorsqu’on passait l’aimant sous le papier où elles étaient étendues, était un mélange de sable, de parties métalliques et de vrai mâchefer friable sous les doigts, qui noircissait à la manière du mâchefer ordinaire. Le sable semblait être composé de petits cristaux de topaze, de cornaline et de cristal de roche ; j’en écrasai quelques cristaux sur un tas d’acier, et la poudre qui en résulta était comme du vernis réduit en poudre ; je fis la même chose au mâchefer, il s’écrasa avec la plus grande facilité, et il m’offrit une poudre noire ferrugineuse qui noircissait le papier comme le mâchefer ordinaire.

» Les parties métalliques de ce dernier (no 4) me parurent plus ductiles sous le marteau que celles du no 1er, ce qui me fit croire qu’elles contenaient moins de fer que les premières ; d’où il s’ensuit que le platine pourrait fort bien n’être qu’un mélange de fer et d’or fait par la nature, ou peut-être de la main des hommes, comme je le dirai par la suite.

» Je tâcherai d’examiner, par tous les moyens qui me seront possibles, la nature du platine, si je peux en avoir à ma disposition en suffisante quantité ; en attendant, voici les expériences que j’ai faites.

» Pour m’assurer de la présence du fer dans le platine par des moyens chimiques, je pris les deux extrêmes, c’est-à-dire no 1er, qui était très attirable à l’aimant, et no 4, ne l’était pas ; je les arrosai avec de l’esprit de nitre un peu fumant, j’observai avec la loupe ce qui en résulterait, mais je n’y aperçus aucun mouvement d’effervescence ; j’y ajoutai de l’eau distillée, et il ne se fit encore aucun mouvement, mais les parties métalliques se décapèrent, et elles prirent un brillant nouveau semblable à celui de l’argent ; j’ai laissé ce mélange tranquille pendant cinq ou six minutes, et ayant encore ajouté de l’eau, j’y laissai tomber quelques gouttes de la liqueur alcaline saturée de la matière colorante du bleu de Prusse, et sur-le-champ le no 1er me donna un très beau bleu de Prusse.

» Le no 4 ayant été traité de même, et quoiqu’il se fût refusé à l’action de l’aimant et à celle de l’esprit de nitre, me donna, de même que le no 1er, du très beau bleu de Prusse.