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à bout d’enlever avec un fort aimant tout le platine jusqu’au dernier grain. Néanmoins, on ne doit pas conclure que le fer y soit contenu en si grande quantité : car, lorsqu’on le mêle par la fonte avec l’or, la masse qui résulte de cet alliage est attirable par l’aimant, quoique le fer n’y soit qu’en petite quantité ; j’ai vu, entre les mains de M. Baumé, un bouton de cet alliage, pesant soixante-six grains, dans lequel il n’était entré que six grains, c’est-à-dire un onzième de fer, et ce bouton se laissait enlever aisément par un bon aimant. Dès lors, le platine pourrait bien ne contenir qu’un onzième de fer sur dix onzièmes d’or, et donner néanmoins tous les mêmes phénomènes, c’est-à-dire être attiré en entier par l’aimant ; et cela s’accorderait parfaitement avec la pesanteur spécifique, qui est d’un dixième ou d’un douzième moindre que celle de l’or.

Mais ce qui me fait présumer que le platine contient plus d’un onzième de fer sur dix onzièmes d’or, c’est que l’alliage qui résulte de cette proportion est encore couleur d’or et beaucoup plus jaune que ne l’est le platine le plus coloré, et qu’il faut un quart de fer sur trois quarts d’or pour que l’alliage ait précisément la couleur naturelle du platine. Je suis donc très porté à croire qu’il pourrait bien y avoir cette quantité d’un quart de fer dans le platine. Nous nous sommes assurés, M. Tillet et moi, par plusieurs expériences, que le sablon de ce fer pur, que contient le platine, est plus pesant que la limaille de fer ordinaire ; ainsi, cette cause ajoutée à l’effet de la pénétration suffit pour rendre raison de cette grande quantité de fer contenue sous le petit volume indiqué par la pesanteur spécifique du platine.

Au reste, il est très possible que je me trompe dans quelques-unes des conséquences que j’ai cru devoir tirer de mes observations sur cette substance métallique ; je n’ai pas été à portée d’en faire un examen aussi approfondi que j’aurais voulu ; ce que j’en dis n’est que ce que j’ai vu, et pourra peut-être servir à faire voir mieux.



PREMIÈRE ADDITION

Comme j’étais sur le point de livrer ces feuilles à l’impression, le hasard fit que je parlai de mes idées sur le platine à M. le comte de Milly, qui a beaucoup de connaissances en physique et en chimie ; il me répondit qu’il pensait à peu près comme moi sur la nature de ce minéral ; je lui donnai le Mémoire ci-dessus pour l’examiner, et deux jours après il eut la bonté de m’envoyer les observations suivantes, que je crois aussi bonnes que les miennes, et qu’il m’a permis de publier ensemble.

« J’ai pesé exactement trente-six grains de platine ; je l’ai étendu sur une feuille de papier blanc pour pouvoir mieux l’observer avec une bonne loupe, j’y ai aperçu ou j’ai cru y apercevoir très distinctement trois substances différentes : la première avait le brillant métallique, elle était la plus abondante ; la seconde vitriforme, tirant sur le noir, ressemble assez à une matière métallique ferrugineuse qui aurait subi un degré de feu considérable, telles que les scories de fer, appelées vulgairement mâchefer ; la troisième, moins abondante que les deux premières, est du sable de toutes couleurs où cependant le jaune, couleur de topaze, domine ; chaque grain de sable, considéré à part, offre à la vue des cristaux réguliers de différentes couleurs ; j’en ai remarqué de cristallisé en aiguilles hexagones, se terminant en pyramide comme le cristal de roche, et il m’a semblé que ce sable n’était qu’un détritus de cristaux de roche ou de quartz de différentes couleurs.

» Je formai le projet de séparer, le plus exactement possible, ces différentes substances par le moyen de l’aimant, et de mettre à part la partie la plus attirable à l’aimant d’avec