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l’opérer : j’ai fondu et réduit en une espèce de verre quelques-unes de ces matières calcaires au foyer d’un de mes miroirs, et je me suis convaincu que ces matières peuvent, comme toutes les autres, se réduire ultérieurement en verre, sans y employer aucun fondant, et seulement par la force d’un feu bien supérieur à celui de nos fourneaux. Par conséquent le terme commun de leur fusibilité est encore plus éloigné et plus extrême que celui des matières vitrées, et c’est par cette raison qu’elles suivent aussi plus exactement dans le progrès de la chaleur l’ordre de la densité.

Le gypse blanc, qu’on appelle improprement albâtre, est une matière qui se calcine comme tous les autres plâtres, à un degré de feu plus médiocre que celui qui est nécessaire pour la calcination des matières calcaires ; aussi ne suit-il pas l’ordre de la densité dans le progrès de la chaleur qu’il reçoit ou qu’il perd, car, quoique beaucoup plus dense que la craie, et un peu plus dense que la pierre calcaire blanche, il s’échauffe et se refroidit néanmoins bien plus promptement que l’une et l’autre de ces matières. Ceci nous démontre que la calcination et la fusion plus ou moins facile produisent le même effet relativement au progrès de la chaleur. Les matières gypseuses ne demandent pas pour se calciner autant de feu que les matières calcaires, et c’est par cette raison que, quoique plus dense, elles s’échauffent et se refroidissent plus vite.

Ainsi on peut assurer, en général, que le progrès de la chaleur dans toutes les substances minérales est toujours à très peu près en raison de leur plus ou moins grande facilité à se calciner ou à se fondre ; mais que, quand leur calcination ou leur fusion également difficiles, et qu’elles exigent un degré de chaleur extrême, alors le progrès de la chaleur se fait suivant l’ordre de leur densité.

Au reste, j’ai déposé au Cabinet du Roi les globes d’or, d’argent et de toutes les autres substances métalliques et minérales qui ont servi aux expériences précédentes, afin de les rendre plus authentiques, en mettant à portée de les vérifier ceux qui voudraient doute de la vérité de leurs résultats et de la conséquence générale que je viens d’en tirer.




TROISIÈME MÉMOIRE

OBSERVATIONS SUR LA NATURE DU PLATINE[NdÉ 1].

On vient de voir que de toutes les substances minérales que j’ai mises à l’épreuve, ce ne sont pas les plus denses, mais les moins fusibles auxquelles il faut le plus de temps pour recevoir et perdre la chaleur ; le fer et l’émeril, qui sont les matières métalliques les plus difficiles à fondre, sont en même temps celles qui s’échauffent et se refroidissent le plus lentement. Il n’y a dans la nature que le platine qui pourrait être encore moins accessible à la chaleur, et qui la conserverait plus longtemps que le fer. Ce minéral, dont on ne parle que depuis peu, paraît être encore plus difficile à fondre ; le feu des meilleurs fourneaux n’est pas assez violent pour produire cet effet, ni même pour en agglutiner les petits grains qui sont tous anguleux, émoussés, durs, et assez semblables pour la forme à de la grosse limaille de fer, mais d’une couleur un peu jaunâtre ; et quoiqu’on puisse les faire couler sans addition de fondants, et les réduire en masse au foyer d’un bon miroir brûlant, le platine semble exiger plus de chaleur que la mine et la limaille de fer, que nous faisons aisément fondre à nos fourneaux de forge. D’ailleurs la densité du pla-

  1. Buffon met platine au féminin ; j’ai cru devoir corriger son texte et remplacer partout le féminin par le masculin qui est le genre aujourd’hui donné au platine.