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En considérant les vallons voisins de ces montagnes, nous reconnaîtrons que le point de Langres étant le plus élevé, il a été découvert le premier dans le temps que les eaux se sont abaissées : auparavant, ce sommet était recouvert comme tout le reste par les eaux, puisqu’il est composé de matières calcaires ; mais au moment qu’il a été découvert, la mer ne pouvant plus le surmonter, tous ses mouvements se sont réduits à battre ce sommet des deux côtés, et par conséquent à creuser par des courants constants les vallons et les vallées que suivent aujourd’hui les ruisseaux et les rivières qui coulent des deux côtés de ces montagnes. La preuve évidente que les vallées ont toutes été creusées par des courants réguliers et constants, c’est que leurs angles saillants correspondent partout à des angles rentrants : seulement on observe que les eaux ayant suivi les pentes les plus rapides, et n’ayant entamé d’abord que les terrains les moins solides et les plus aisés à diviser, il se trouve souvent une différence remarquable entre les deux coteaux qui bordent la vallée. On voit quelquefois un escarpement considérable et des rochers à pic d’un côté, tandis que de l’autre les bancs de pierre sont couverts de terres en pente douce ; et cela est arrivé nécessairement toutes les fois que la force du courant s’est portée plus d’un côté que de l’autre, et aussi toutes les fois qu’il aura été troublé ou secondé par un autre courant.

Si l’on suit le cours d’une rivière ou d’un ruisseau voisin des montagnes d’où descendent leurs sources, on reconnaîtra aisément la figure et même la nature des terres qui forment les coteaux de la vallée. Dans les endroits où elle est étroite, la direction de la rivière et l’angle de son cours indiquent au premier coup d’œil le côté vers lequel se doivent porter ses eaux, et par conséquent le côté où le terrain doit se trouver en plaine, tandis que, de l’autre côté, il continuera d’être en montagne. Lorsque la vallée est large, ce jugement est plus difficile : cependant on peut, en observant la direction de la rivière, deviner assez juste de quel côté les terrains s’élargiront ou se rétréciront. Ce que nos rivières font en petit aujourd’hui, les courants de la mer l’ont autrefois fait en grand : ils ont creusé tous nos vallons, ils les ont tranchés des deux côtés, mais en transportant ces déblais ils ont souvent formé des escarpements d’une part et des plaines de l’autre. On doit aussi remarquer que dans le voisinage du sommet de ces montagnes calcaires, et particulièrement dans le sommet de Langres, les vallons commencent par une profondeur circulaire, et que de là ils vont toujours en s’élargissant à mesure qu’ils s’éloignent du lieu de leur naissance ; les vallons paraissent aussi plus profonds à ce point où ils commencent et semblent aller toujours en diminuant de profondeur à mesure qu’ils s’élargissent et qu’ils s’éloignent de ce point ; mais c’est une apparence plutôt qu’une réalité : car dans l’origine la portion du vallon la plus voisine du sommet a été la plus étroite et la moins profonde ; le mouvement des eaux a commencé par y former une ra-