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Or, dans cette construction de la surface de la terre par le mouvement et le sédiment des eaux, il faut distinguer deux périodes de temps : la première a commencé après l’établissement de la mer universelle, c’est-à-dire après la dépuration parfaite de l’atmosphère, par la chute des eaux et de toutes les matières volatiles que l’ardeur du globe y tenait reléguées : cette période a duré autant qu’il était nécessaire pour multiplier les coquillages, au point de remplir de leurs dépouilles toutes nos collines calcaires ; autant qu’il était nécessaire pour multiplier les végétaux et pour former de leurs débris toutes nos mines de charbon ; enfin autant qu’il était nécessaire pour convertir les scories du verre primitif en argiles, et former les acides, les sels, les pyrites, etc. Tous ces premiers et grands effets ont été produits ensemble dans les temps qui se sont écoulés depuis l’établissement des eaux jusqu’à leur abaissement. Ensuite a commencé la seconde période. Cette retraite des eaux ne s’est pas faite tout à coup, mais par une longue succession de temps, dans laquelle il faut encore saisir des points différents. Les montagnes composées de pierres calcaires ont certainement été construites dans cette mer ancienne, dont les différents courants les ont tout aussi certainement figurées par angles correspondants. Or, l’inspection attentive des côtes de nos vallées nous démontre que le travail particulier des courants a été postérieur à l’ouvrage général de la mer. Ce fait, qu’on n’a pas même soupçonné, est trop important pour ne le pas appuyer de tout ce qui peut le rendre sensible à tous les yeux.

Prenons pour exemple la plus haute montagne calcaire de la France, celle de Langres, qui s’élève au-dessus de toutes les terres de la Champagne, s’étend en Bourgogne jusqu’à Montbard, et même jusqu’à Tonnerre, et qui, dans la direction opposée, domine de même sur les terres de la Lorraine et de la Franche-Comté. Ce cordon continu de la montagne de Langres qui, depuis les sources de la Seine jusqu’à celles de la Saône, a plus de quarante lieues en longueur, est entièrement calcaire, c’est-à-dire entièrement composé des productions de la mer ; et c’est par cette raison que je l’ai choisi pour nous servir d’exemple. Le point le plus élevé de cette chaîne de montagnes est très voisin de la ville de Langres, et l’on voit que, d’un côté, cette même chaîne verse ses eaux dans l’Océan par la Meuse, la Marne, la Seine, etc., et que, de l’autre côté, elle les verse dans la Méditerranée par les rivières qui aboutissent à la Saône. Le point où est situé Langres se trouve à peu près au milieu de cette longueur de quarante lieues, et les collines vont en s’abaissant à peu près également vers les sources de la Seine et vers celles de la Saône : enfin ces collines, qui forment les extrémités de cette chaîne de montagnes calcaires, aboutissent également à des contrées de matières vitrescibles ; savoir, au delà de l’Armanson près de Semur, d’une part ; et au delà des sources de la Saône et de la petite rivière du Conay, de l’autre part.