Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

la terre, dans lesquels les vents souterrains, excités par ces commotions, auront peut-être allumé les feux des volcans ; en sorte que d’une seule cause, c’est-à-dire de l’affaissement d’une caverne, il a pu résulter plusieurs effets, tous grands, et la plupart terribles : d’abord, l’affaissement de la mer, forcée de courir à grands flots pour remplir cette nouvelle profondeur et laisser par conséquent à découvert de nouveaux terrains ; 2o l’ébranlement des terres voisines par la commotion de la chute des matières solides qui formaient les voûtes de la caverne ; et cet ébranlement fait pencher les montagnes, les fend vers leur sommet, et en détache des masses qui roulent jusqu’à leur base ; 3o le même mouvement, produit par la commotion et propagé par les vents et les feux souterrains, soulève au loin la terre et les eaux, élève des tertres et des mornes, forme des gouffres et des crevasses, change le cours des rivières, tarit les anciennes sources, en produit de nouvelles, et ravage, en moins de temps que je ne puis le dire, tout ce qui se trouve dans sa direction. Nous devons donc cesser d’être surpris de voir en tant de lieux l’uniformité de l’ouvrage horizontal des eaux détruite et tranchée par des fentes inclinées, des éboulements irréguliers, et souvent cachée par des déblais informes, accumulés sans ordre, non plus que de trouver de si grandes contrées toutes recouvertes de matières rejetées par les volcans : ce désordre, causé par les tremblements de terre, ne fait néanmoins que masquer la nature aux yeux de ceux qui ne la voient qu’en petit, et qui d’un effet accidentel et particulier font une cause générale et constante. C’est l’eau seule qui, comme cause générale et subséquente à celle du feu primitif, a achevé de construire et de figurer la surface actuelle de la terre[NdÉ 1] ; et ce qui manque à l’uniformité de cette construction universelle n’est que l’effet particulier de la cause accidentelle des tremblements de terre et de l’action des volcans.

  1. Buffon admet, dans l’histoire des transformations de la surface de la terre, deux périodes distinctes : l’une, pendant laquelle la chaleur seule agit ; l’autre, postérieure, pendant laquelle l’action de l’eau remplace celle de la chaleur. Si l’on admet, comme tout tend à le faire supposer, que la terre a d’abord été en fusion, il est bien évident que l’action de l’eau n’a pu se produire qu’après la solidification de la surface de la planète, et que les causes ignées de transformation de la surface ont agi avant les causes aqueuses ; mais Buffon suppose toujours que la mer a d’abord recouvert simultanément tous les points de la surface du globe ; or on peut faire à cette manière de voir bien des objections. On pense généralement aujourd’hui qu’au contraire la mer n’a occupé d’abord que des parties limitées du globe, d’autres parties restant émergées, puis que ces dernières s’étant affaissées, tandis que les premières se soulevaient, la mer a changé de place. Or ces affaissements et ces soulèvements étant le fait de la dilatation ou de la contraction des roches souterraines [Note de Wikisource : non pas le fait de la dilatation ou de la contraction des roches, mais le fait des contraintes isostatiques ou tectoniques], l’eau et la chaleur agissaient simultanément pour modifier l’aspect de la surface de notre globe. Il est facile de constater la simultanéité de ces deux actions pendant toute la période archaïque qui est la plus ancienne que nous puissions étudier. Certaines portions de notre Europe ont été, pendant cette phase de l’évolution de notre globe, plusieurs fois couvertes par les eaux et découvertes, et des éruptions considérables ont métamorphisé les roches déposées par les eaux. Pendant le même temps la pluie, les fleuves, les torrents, etc., agissaient de leur côté pour modifier l’aspect des portions émergées de la surface du globe terrestre.