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étaient encore baignés des eaux, il y a eu des volcans presque partout, et il s’est fait de fréquentes et prodigieuses éruptions qui n’ont cessé qu’après la retraite des mers ; mais cette retraite ne pouvant se faire que par l’affaissement des boursouflures du globe, il est souvent arrivé que l’eau venant à flots remplir la profondeur de ces terres affaissées, elle a mis en action les volcans sous-marins qui, par leur explosion, ont soulevé une partie de ces terres nouvellement affaissées, et les ont quelquefois poussées au-dessus du niveau de la mer, où elles ont formé des îles nouvelles, comme nous l’avons vu dans la petite île formée auprès de celle de Santorin ; néanmoins ces effets sont rares, et l’action des volcans sous-marins n’est ni permanente ni assez puissante pour élever un grand espace de terre au-dessus de la surface des mers : les volcans terrestres, par la continuité de leurs éruptions, ont au contraire couvert de leurs déblais tous les terrains que les environnaient ; ils ont, par le dépôt successif de leurs laves, formé de nouvelles couches ; ces laves, devenues fécondes avec le temps, sont une preuve invincible que la surface primitive de la terre, d’abord en fusion, puis consolidée, a pu de même devenir féconde ; enfin les volcans ont aussi produit ces mornes ou tertres qui se voient dans toutes les montagnes à volcan, et ils ont élevé ces remparts de basalte qui servent de côtes aux mers dont ils sont voisins. Ainsi après que l’eau, par des mouvements uniformes et constants, eut achevé la construction horizontale des couches de la terre, le feu des volcans, par des explosions subites, a bouleversé, tranché et couvert plusieurs de ces couches ; et l’on ne doit pas être étonné de voir sortir du sein des volcans des matières de toute espèce, des cendres, des pierres calcinées, des terres brûlées, ni de trouver ces matières mélangées des substances calcaires et vitrescibles dont ces mêmes couches sont composées.

Les tremblements de terre ont dû se faire sentir longtemps avant l’éruption des volcans : dès les premiers moments de l’affaissement des cavernes, il s’est fait de violentes secousses qui ont produit des effets tout aussi violents et bien plus étendus que ceux des volcans. Pour s’en former l’idée, supposons qu’une caverne soutenant un terrain de cent lieues carrées, ce qui ne ferait qu’une des petites boursouflures du globe, se soit tout à coup écroulée, cet écroulement n’aura-t-il pas été nécessairement suivi d’une commotion qui se sera communiquée et fait sentir très loin par un tremblement plus ou moins violent ? Quoique cent lieues carrées ne fassent que la deux cent soixante millième partie de la surface de la terre, la chute de cette masse n’a pu manquer d’ébranler toutes les terres adjacentes et de faire peut-être écrouler en même temps les cavernes voisines : il ne s’est donc fait aucun affaissement un peu considérable qui n’ait été accompagné de violentes secousses de tremblement de terre, dont le mouvement s’est communiqué par la force du ressort dont toute matière est douée, et qui a dû se propager quelquefois très loin par les routes que peuvent offrir les vides de