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bruyants et des tonnerres souterrains dont les effets peuvent être comparés à ceux de la foudre des airs : ces effets doivent même être plus violents et plus durables, par la forte résistance que la solidité de la terre oppose de tous côtés à la force électrique de ces tonnerres souterrains. Le ressort d’un air mêlé de vapeurs denses et enflammées par l’électricité, l’effort de l’eau, réduite en vapeurs élastiques par le feu, toutes les autres impulsions de cette puissance électrique, soulèvent, entr’ouvrent la surface de la terre, ou du moins l’agitent par des tremblements, dont les secousses ne durent pas plus longtemps que le coup de la foudre intérieure qui les produit ; et ces secousses se renouvellent jusqu’à ce que les vapeurs expansives se soient fait une issue par quelque ouverture à la surface de la terre ou dans le sein des mers. Aussi les éruptions des volcans et les tremblements de terre sont précédés et accompagnés d’un bruit sourd et roulant, qui ne diffère de celui du tonnerre que par le ton sépulcral et profond que le son prend nécessairement en traversant une grande épaisseur de matière solide, lorsqu’il s’y trouve renfermé.

Cette électricité souterraine, combinée comme cause générale avec les causes particulières des feux allumés par l’effervescence des matières pyriteuses et combustibles que la terre recèle en tant d’endroits, suffit à l’explication des principaux phénomènes de l’action des volcans : par exemple, leur foyer paraît être assez voisin de leur sommet, mais l’orage est au-dessous. Un volcan n’est qu’un vaste fourneau, dont les soufflets, ou plutôt les ventilateurs, sont placés dans les cavités inférieures, à côté et au-dessous du foyer : ce sont ces mêmes cavités, lorsqu’elles s’étendent jusqu’à la mer, qui servent de tuyaux d’aspiration pour porter en haut, non seulement les vapeurs, mais les masses même de l’eau et de l’air[NdÉ 1] ; c’est dans ce transport que se produit la foudre souterraine, qui s’annonce par des mugissements, et n’éclate que par l’affreux vomissement des matières qu’elle a frappées, brûlées et calcinées : des tourbillons épais d’une noire fumée ou d’une flamme lugubre ; des nuages massifs de cendres et de pierres ; des torrents bouillants de lave en fusion, roulant au loin leurs flots brûlants et destructeurs, manifestent au dehors le mouvement convulsif des entrailles de la terre.

Ces tempêtes intestines sont d’autant plus violentes qu’elles sont plus voisines des montagnes à volcan et des eaux de la mer, dont le sel et les huiles grasses augmentent encore l’activité du feu ; les terres situées entre

  1. D’après M. Fouqué, dans l’éruption de l’Etna qui eut lieu en 1865, les gaz exhalés par le volcan étaient identiques, par leur composition chimique, à ceux qui auraient pris naissance si des masses énormes d’eau de mer « ayant pénétré dans les réservoirs de lave souterraine, s’y étaient décomposés et en avaient ensuite été expulsés avec la lave. Bien plus, il a calculé que la quantité de vapeur d’eau était parfaitement proportionnelle avec celle des autres gaz, et que les nombreuses bouches ouvertes à la surface de l’Etna avaient émis journellement non moins de 22 000 mètres cubes de vapeur aqueuse. » (Lyell.)