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agissants sont dans les îles ou près des côtes de la mer, et qu’on pourrait en compter cent fois plus d’éteints que d’agissants : car à mesure que les eaux, en se retirant, se sont trop éloignées du pied de ces volcans, leurs éruptions ont diminué par degrés et enfin ont entièrement cessé, et les légères effervescences que l’eau fluviale aura pu causes dans leur ancien foyer n’aura produit d’effet sensible que par des circonstances particulières et très rares.

Les observations confirment parfaitement ce que je dis de l’action des volcans : tous ceux qui sont maintenant en travail sont situés près des mers[NdÉ 1] ; tous ceux qui sont éteints, et dont le nombre est bien plus grand, sont placés dans le milieu des terres, ou tout au moins à quelque distance de la mer ; et quoique la plupart des volcans qui subsistent paraissent appartenir aux plus hautes montagnes, il en a existé beaucoup d’autres dans les éminences de médiocre hauteur. La date de l’âge des volcans n’est donc pas partout la même : d’abord il est sûr que les premiers, c’est-à-dire les plus anciens, n’ont pu acquérir une action permanente qu’après l’abaissement des eaux qui couvraient leur sommet ; et ensuite, il paraît qu’ils ont cessé d’agir dès que ces mêmes eaux se sont trop éloignées de leur voisinage : car, je le répère, nulle puissance, à l’exception de celle d’une grande masse d’eau choquée contre un grand volume de feu, ne peut produire des mouvements aussi prodigieux que ceux de l’éruption des volcans[NdÉ 2].

  1. D’après John Herschel, « sur 225 volcans que l’on sait avoir été en éruption dans le cours des cent cinquante dernières années, on n’en cite qu’un seul, le mont Demawend en Perse, qui soit à 512 kilomètres de la mer, et encore est-il situé sur les bords de la Caspienne, qui est la plus considérable de toutes les mers intérieures. » M. Lyell ajoute à cette observation : « Le Jorullo, au Mexique, qui fit éruption en 1759, n’est pas à moins de 192 kilomètres de l’océan le plus voisin ; mais, ainsi que le fait observer Daubeny, il fait partie d’une suite de volcans dont l’extrémité touche presque à la mer. Le volcan situé dans la Tartarie centrale et qui, dit-on, se montra en activité au viie siècle, se trouve à 260 milles géographiques de l’océan, mais non loin d’un grand lac. »
  2. Buffon attribue, on le voit, les volcans au choc d’une grande masse d’eau avec une masse également considérable de matières en fusion. Cette manière de voir a été confirmée par les recherches de la science moderne. Voici ce que dit sur ce sujet M. Lyell : « On peut supposer qu’il existe à une profondeur de plusieurs kilomètres au-dessous de la surface de la terre de vastes cavités souterraines dans lesquelles s’accumule de la lave fondue, et que lorsque de l’eau, mêlée à de l’air dans les proportions ordinaires, vient à pénétrer dans ces cavités, il s’y produit de la vapeur qui exerce une certaine pression sur la lave et la force à monter dans le conduit d’un volcan de la même manière qu’une colonne d’eau est poussée de bas en haut dans le tube d’un geyser. Dans d’autres cas, on peut supposer une colonne continue de lave liquide mêlée avec de l’eau à la température de la chaleur rouge ou de la chaleur blanche (car l’eau, suivant le professeur Bunsen, peut se trouver en cet état lorsqu’elle est soumise à une certaine pression), et qui serait douée d’une température croissant de haut en bas d’une façon régulière. Que l’équilibre vienne à être rompu dans la masse, il se produit près de la surface, par suite de l’expansion et de la conversion en gaz de l’eau emprisonnée dans le sein des diverses substances qui constituent la lave, une éruption dont le résultat sera de diminuer la pression supportée par la colonne liquide ; une plus grande quantité de vapeur d’eau venant alors à se dégager, elle entraîne avec elle des jets de roche fondue qui, lancés dans l’air, retomberont en pluies de scories ou de cendres sur la contrée environnante. Enfin, l’arrivée de la lave et de l’eau, de plus en plus chauffées à l’orifice du