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hautes montagnes du Midi. Les métaux moins parfaits, tels que le fer et le cuivre, qui sont moins fixes au feu, parce qu’ils contiennent des matières que le feu peut volatiliser plus aisément, se sont formés dans des temps postérieurs ; aussi les trouve-t-on en bien plus grande quantité dans les pays du Nord que dans ceux du Midi. Il semble même que la nature ait assigné aux différents climats du globe les différents métaux, l’or et l’argent, aux régions les plus chaudes ; le fer et le cuivre, aux pays les plus froids, et le plomb et l’étain, aux contrées tempérées. Il semble de même qu’elle ait établi l’or et l’argent dans les plus hautes montagnes ; le fer et le cuivre, dans les montagnes médiocres, et le plomb et l’étain, dans les plus basses. Il paraît encore que, quoique ces mines primordiales des différents métaux se trouvent toutes dans la roche vitrescible, celles d’or et d’argent sont quelquefois mélangées d’autres métaux ; que le fer et le cuivre sont souvent accompagnés de matières qui supposent l’intermède de l’eau, ce qui semble prouver qu’ils ont été produits en même temps ; et à l’égard de l’étain, du plomb et du mercure, il y a des différences qui semblent indiquer qu’ils ont été produits dans des temps très différents. Le plomb est le plus vitrescible de tous les métaux, et l’étain l’est le moins ; le mercure est le plus volatil de tous, et cependant il ne diffère de l’or, qui est le plus fixe de tous, que par le degré de feu que leur sublimation exige : car l’or ainsi que tous les autres métaux peuvent également être volatilisés par une plus ou moins grande chaleur. Ainsi tous les métaux ont été sublimés et volatilisés successivement, pendant le progrès du refroidissement. Et comme il ne faut qu’une très légère chaleur pour volatiliser le mercure, et qu’une chaleur médiocre suffit pour fondre l’étain et le plomb, ces deux métaux sont demeurés liquides et coulants bien plus longtemps que les quatre premiers ; et le mercure l’est encore, parce que la chaleur actuelle de la terre est plus que suffisante pour le tenir en fusion : il ne deviendra solide que quand le globe sera refroidi d’un cinquième de plus qu’il ne l’est aujourd’hui, puisqu’il faut 197 degrés au-dessous de la température actuelle de la terre, pour que ce métal fluide se consolide, ce qui fait à peu près la cinquième partie des 1 000 degrés au-dessous de la congélation.

Le plomb, l’étain et le mercure ont donc coulé successivement, par leur fluidité, dans les parties les plus basses de la roche du globe, et ils ont été, comme tous les autres métaux, sublimés dans les fentes des montagnes élevées. Les matières ferrugineuses qui pouvaient supporter une très violente chaleur, sans se fondre assez pour couler, ont formé dans les pays du Nord, des amas métalliques si considérables qu’il s’y trouve des montagnes entières de fer[1], c’est-à-dire d’une pierre vitrescible ferrugineuse, qui rend souvent soixante-dix livres de fer par quintal : ce sont là les mines de fer pri-

  1. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.