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sur les côtes de Normandie[1] : car le dépôt n’augmente qu’insensiblement et de beaucoup moins de cinq pouces par an. Et si cette colline d’argile est couronnée de rochers calcaires, la durée du temps, que je réduis à quatorze mille ans, ne doit-elle pas être augmentée de celui qui a été nécessaire pour le transport des coquillages dont la colline est surmontée, et cette durée si longue n’a-t-elle pas encore été suivie du temps nécessaire à la pétrification et au desséchement de ces sédiments, et encore d’un temps tout aussi long pour la figuration de la colline par angles saillants et rentrants ? J’ai cru devoir entrer d’avance dans détail, afin de démontrer qu’au lieu de reculer trop loin les limites de la durée, je les ai rapprochées autant qu’il m’a été possible sans contredire évidemment les faits consignés dans les archives de la nature.




SECONDE ÉPOQUE

LORSQUE LA MATIÈRE
S’ÉTANT CONSOLIDÉE A FORMÉ LA ROCHE INTÉRIEURE DU GLOBE AINSI QUE LES GRANDES MASSES VITRESCIBLES
QUI SONT À SA SURFACE.

On vient de voir que, dans notre hypothèse, il a dû s’écouler deux mille neuf cent trente-six ans avant que le globe terrestre ait pu prendre toute sa consistance, et que sa masse entière se soit consolidée jusqu’au centre[NdÉ 1]. Comparons les effets de cette consolidation du globe de la terre en fusion à ce que nous voyons arriver à une masse de métal ou de verre fondu, lorsqu’elle commence à se refroidir : il se forme à la surface de ces masses des trous, des ondes, des aspérités ; et au-dessous de la surface il se fait des vides, des cavités, des boursouflures, lesquelles peuvent nous représenter ici les premières inégalités qui se sont trouvées sur la surface de la terre et les cavités de son intérieur ; nous aurons dès lors une idée du grand nombre de montagnes, de vallées, de cavernes et d’anfractuosités qui se sont formées dès ce premier temps dans les couches extérieures de la terre. Notre comparaison est d’autant plus exacte que les montagnes les plus élevées, que je suppose de trois mille ou trois mille cinq cents toises de hauteur, ne sont, par rapport au diamètre de la terre, que ce qu’un huitième de ligne est par rapport au diamètre d’un globe de deux pieds. Ainsi ces chaînes de mon-

  1. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  1. Chiffre imaginaire.