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Mercure, dont la densité est à celle de la terre comme 2 040 sont à 1 000, n’aurait pu produire un satellite que par une force centrifuge plus que double de celle du globe de la terre ; mais, quoique la durée de sa rotation n’ai pu être observée par les astronomes, il est plus que probable qu’au lieu d’être double de celle de la terre, elle est au contraire beaucoup moindre. Ainsi l’on peut croire avec fondement que Mercure n’a point de satellites.

Vénus pourrait en avoir un, car étant un peu moins épaisse que la terre dans la raison de 17 à 18, et tournant un peu plus vite dans le rapport de 23 heures 20 minutes à 23 heures 56 minutes, sa vitesse est de plus de six lieues trois quarts par minute, et par conséquent sa force centrifuge d’environ un treizième plus grande que celle de la terre. Cette planète aurait donc pu produire un ou deux satellites dans le temps de sa liquéfaction, si sa densité, plus grande que celle de la terre, dans la raison de 1 270 à 1 000, c’est-à-dire de plus de 5 contre 4, ne se fût pas opposée à la séparation et à la projection de ses parties même les plus liquides ; et ce pourrait être par cette raison que Vénus n’aurait point de satellites, quoiqu’il y ait des observateurs qui prétendent en avoir aperçu un autour de cette planète.

À tous ces faits que je viens d’exposer, on doit en ajouter un, qui m’a été communiqué par M. Bailly, savant physicien-astronome de l’Académie des sciences. La surface de Jupiter est, comme l’on sait, sujette à des changements sensibles, qui semblent indiquer que cette grosse planète est encore dans un état d’inconstance et de bouillonnement. Prenant donc, dans mon système de l’incandescence générale et du refroidissement des planètes, les deux extrêmes, c’est-à-dire Jupiter, comme le plus gros, et la lune, comme le plus petit de tous les corps planétaires, il se trouve que le premier, qui n’a pas eu encore le temps de se refroidir et de prendre une consistance entière, nous présente à sa surface les effets du mouvement intérieur dont il est agité par le feu ; tandis que la lune qui, par sa petitesse, a dû se refroidir en peu de siècles, ne nous offre qu’un calme parfait, c’est-à-dire une surface qui est toujours la même, et sur laquelle l’on aperçoit ni mouvement ni changement. Ces deux faits, connus des astronomes, se joignent aux autres analogies que j’ai présentées sur ce sujet, et ajoutent un petit degré de plus à la probabilité de mon hypothèse.

Par la comparaison que nous avons faite de la chaleur des planètes à celle de la terre, on a vu que le temps de l’incandescence pour le globe terrestre a duré deux mille neuf cent trente-six ans[NdÉ 1] ; que celui de sa chaleur, au point de ne pouvoir le toucher, a été de trente-quatre mille deux cent soixante-dix ans, ce qui fait en tout trente-sept mille deux cent six ans ; et que c’est

  1. Ce chiffre est absolument imaginaire.