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réelle de cette atmosphère solaire est démontrée par un phénomène qui accompagne les éclipses totales du soleil. La lune en couvre alors à nos yeux le disque tout entier ; et néanmoins l’on voit encore une limbe ou grand cercle de vapeurs dont la lumière est assez vive pour nous éclairer à peu près autant que celle de la lune : sans cela, le globe terrestre serait plongé dans l’obscurité la plus profonde pendant la durée de l’éclipsé totale. On a observé que cette atmosphère solaire est plus dense dans ses parties voisines du soleil, et qu’elle devient d’autant plus rare et plus transparente qu’elle s’étend et s’éloigne davantage du corps de cet astre de feu : l’on ne peut donc pas douter que le soleil ne soit environné d’une sphère de matières aqueuses, aériennes et volatiles, que sa violente chaleur tient suspendues et reléguées à des distances immenses, et que dans le moment de la projection des planètes le torrent des matières fixes sorties du corps du soleil n’ait, en traversant son atmosphère, entraîné une grande quantité de ces matières volatiles dont elle est composée : et ce sont ces mêmes matières volatiles, aqueuses et aériennes, qui ont ensuite formé les atmosphères des planètes, lesquelles étaient semblables à l’atmosphère du soleil tant que les planètes ont été, comme lui, dans un état de fusion ou de grande incandescence.

Toutes les planètes n’étaient donc alors que des masses de verre liquide, environnées d’une sphère de vapeurs. Tant qu’a duré cet état de fusion, et même longtemps après, les planètes étaient lumineuses par elles-mêmes, comme le sont tous les corps en incandescence ; mais à mesure que les planètes prenaient de la consistance, elles perdaient de leur lumière : elles ne devinrent tout à fait obscures qu’après s’être consolidées jusqu’au centre, et longtemps après la consolidation de leur surface, comme l’on voit dans une masse de métal fondu la lumière et la rougeur subsister très longtemps après la consolidation de sa surface. Et dans ce premier temps, où les planètes brillaient de leurs propres feux, elles devaient lancer des rayons, jeter des étincelles, faire des explosions, et ensuite souffrir, en se refroidissant, différentes ébullitions à mesure que l’eau, l’air et les autres matières qui ne peuvent supporter le feu, retombaient à leur surface : la production des éléments, et ensuite leur combat, n’ont pu manquer de produire des inégalités, des aspérités, des profondeurs, des hauteurs, des cavernes à la surface et dans les premières couches de l’intérieur de ces grandes masses ; et c’est à cette époque que l’on doit rapporter la formation des plus hautes montagnes de la terre, de celles de la lune et de toutes les aspérités ou inégalités qu’on aperçoit sur les planètes[NdÉ 1].

  1. Toutes les montagnes ne datent pas d’une époque aussi reculée. On peut même dire que la plupart, si non toutes les chaînes de montagnes actuelles se sont formées depuis que la surface de la terre est solidifiée, et l’on s’accorde généralement à admettre avec M. Lyell que les soulèvements qui les ont produites au lieu d’être brusques comme beaucoup de