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des végétaux n’est jamais suspendue, chaque insecte vit son âge ; et ne voyons-nous pas sous la ligne, où les quatre saisons n’en font qu’une, la terre toujours fleurie, les arbres continuellement verts, et la nature toujours au printemps ?

La constitution particulière des animaux et des plantes est relative à la température générale du globe de la terre, et cette température dépend de sa situation, c’est-à-dire de la distance à laquelle il se trouve de celui du soleil : à une distance plus grande, nos animaux, nos plantes, ne pourraient ni vivre ni végéter ; l’eau, la sève, le sang, toutes les autres liqueurs, perdraient leur fluidité ; à une distance moindre, elles s’évanouiraient et se dissiperaient en vapeurs ; la glace et le feu sont les éléments de la mort ; la chaleur tempérée est le premier germe de la vie.

Les molécules vivantes répandues dans tous les corps organisés sont relatives, et pour l’action et pour le nombre, aux molécules de la lumière, qui frappent toute matière et la pénètrent de leur chaleur ; partout où les rayons du soleil peuvent échauffer la terre, sa surface se vivifie, se couvre de verdure et se peuple d’animaux : la glace même, dès qu’elle se résout en eau, semble se féconder ; cet élément est plus fertile que celui de la terre, il reçoit avec la chaleur le mouvement et la vie ; la mer produit à chaque saison plus d’animaux que la terre n’en nourrit ; elle produit moins de plantes ; et tous ces animaux qui nagent à la surface des eaux, ou qui en habitent les profondeurs, n’ayant pas, comme ceux de la terre, un fond de subsistance assuré sur les substances végétales, sont forcés de vivre les uns sur les autres, et c’est à cette combinaison que tient leur immense multiplication, ou plutôt leur pullulation sans nombre.

Chaque espèce et des uns et des autres ayant été créée, les premiers individus ont servi de modèle à tous leurs descendants. Le corps de chaque animal ou de chaque végétal est un moule auquel s’assimilent indifféremment les molécules organiques de tous les animaux ou végétaux détruits par la mort et consumés par le temps ; les parties brutes qui étaient entrées dans leur composition retournent à la masse commune de la matière brute ; les parties organiques, toujours subsistantes, sont reprises par les corps organisés[NdÉ 1] : d’abord repompées par les végétaux, ensuite absorbées par les animaux qui se nourrissent de végétaux, elles servent au développement, à l’entretien, à l’accroissement et des uns et des autres ; elles constituent leur vie, et circulant continuellement de corps en corps, elles animent tous les êtres organisés. Le fond des substances vivantes est donc toujours le même ; elle ne varient que par la forme, c’est-à-dire par la différence des représentations : dans les siècles d’abondance, dans les temps de la plus grande population, le nombre des hommes, des animaux domestiques et des plantes

  1. On voit que Buffon est resté fidèle pendant toute sa vie à sa théorie des « molécules organiques ».