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des soleils qui paraissent, disparaissent et semblent alternativement se rallumer et s’éteindre, d’autres qui se montrent une fois et s’évanouissent ensuite pour jamais. Le ciel est le pays des grands événements ; mais à peine l’œil humain peut-il les saisir : un soleil qui périt et qui cause la catastrophe d’un monde, ou d’un système de mondes, ne fait d’autre effet à nos yeux que celui d’un feu follet qui brille et qui s’éteint ; l’homme, borné à l’atome terrestre sur lequel il végète, voit cet atome comme un monde, et ne voit les mondes que comme des atomes.

Car cette terre qu’il habite, à peine reconnaissable parmi les autres globes, et tout à fait invisible pour les sphères éloignées, est un million de fois plus petite que le soleil qui l’éclaire, et mille fois plus petite que d’autres planètes qui, comme elle, sont subordonnées à la puissance de cet astre, et forcées à circuler autour de lui. Saturne, Jupiter, Mars, la Terre, Vénus, Mercure et le Soleil occupent la petite partie des cieux que nous appelons notre univers. Toutes ces planètes, avec leurs satellites, entraînées par un mouvement rapide dans le même sens et presque dans le même plan, composent une roue d’un vaste diamètre dont l’essieu porte toute la charge, et qui tournant lui-même avec rapidité a dû s’échauffer, s’embraser et répandre la chaleur et la lumière jusqu’aux extrémités de la circonférence : tant que ces mouvements dureront (et ils seront éternels, à moins que la main du premier moteur ne s’oppose et n’emploie autant de force pour les détruire qu’il en a fallu pour les créer), le soleil brillera et remplira de sa splendeur toutes les sphères du monde ; et comme dans un système où tout s’attire, rien ne peut ni se perdre ni s’éloigner sans retour, la quantité de matière restant toujours la même, cette source féconde de lumière et de vie ne s’épuisera, ne tarira jamais : car les autres soleils, qui lancent aussi continuellement leurs feux, rendent à notre soleil tout autant du lumière qu’ils en reçoivent de lui.

Les comètes, en beaucoup plus grand nombre que les planètes, et dépendantes comme elles de la puissance du soleil, pressent aussi sur ce foyer en augmentent la charge, et contribuent de tout leur poids à son embrasement : elles font partie de notre univers, puisqu’elles sont sujettes, comme les planètes, à l’attraction du soleil ; mais elles n’ont rien de commun entre elles, ni avec les planètes, dans leur mouvement d’impulsion ; elles circulent chacune dans un plan différent et décrivent des orbes plus ou moins allongés dans des périodes différentes de temps, dont les unes sont de plusieurs années, et les autres de quelques siècles : le soleil tournant sur lui-même, mais au reste immobile au milieu du tout[NdÉ 1], sert en même temps de flambeau de foyer, de pivot à toutes ces parties de la machine du monde.

  1. Le soleil n’est pas, comme le dit Buffon, « immobile au milieu du tout », il se meut dans l’espace, en décrivant une immense ellipse et entraînant après lui la terre et toutes les planètes qui font partie de son système. [Note de Wikisource : ajoutons que ni le mouvement du Soleil ni celui des planètes n’échauffent cet astre, comme le prétend Buffon, car l’attraction entre le Soleil et les planètes est une action à distance, dans le vide le plus total, donc sans contact et sans échauffement. L’énergie du Soleil est en réalité alimentée par des réactions nucléaires en son sein.]