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l’attraction et l’impulsion sont les deux principaux instruments de l’action de cette puissance sur les corps bruts ; la chaleur et les molécules organiques et vivantes sont les principes actifs qu’elle met en œuvre pour la formation le développement des êtres organisés.

Avec de tels moyens, que ne peut la nature ? Elle pourrait tout si elle pouvait anéantir et créer ; mais Dieu s’est réservé ces deux extrêmes de pouvoir : anéantir et créer sont les attributs de la toute-puissance ; altérer, changer, détruire, développer, renouveler, produire, sont les seuls droits qu’il a voulu céder. Ministre de ses ordres irrévocables, dépositaire de ses immuables décrets, la nature ne s’écarte jamais des lois qui lui ont été prescrites ; elle n’altère rien aux plans qui lui ont été tracés, et dans tous ses ouvrages elle présente le sceau de l’Éternel, cette empreinte divine, prototype inaltérable des existences, est le modèle sur lequel elle opère, modèle dont tous les traits sont exprimés en caractères ineffaçables, et prononcés pour jamais ; modèle toujours neuf, que le nombre des moules ou des copies, quelque infini qu’il soit, ne fait que renouveler.

Tout a donc été créé, et rien encore ne s’est anéanti ; la nature balance entre ces deux limites sans jamais approcher ni de l’une ni de l’autre : tâchons de la saisir dans quelques points de cet espace immense qu’elle remplit et parcourt depuis l’origine des siècles.

Quels objets ! Un volume immense de matière qui n’eût formé qu’une inutile, une épouvantable masse, s’il n’eût été divisé en parties séparées par des espaces mille fois plus immenses ; mais des milliers de globes lumineux, placés à des distances inconcevables, sont les bases qui servent de fondement à l’édifice du monde ; des millions de globes opaques, circulant autour des premiers, en composent l’ordre et l’architecture mouvante : deux forces primitives agitent ces grandes masses, les roulent, les transportent et les animent ; chacune agit à tout instant, et toutes deux, combinant leurs efforts, tracent les zones des sphères célestes, établissent dans le milieu du vide des lieux fixes et des routes déterminées ; et c’est du sein même du mouvement que naît l’équilibre des mondes et le repos de l’univers.

La première de ces forces est également répartie ; la seconde a été distribuée en mesure inégale ; chaque atome de matière a une même quantité de force d’attraction, chaque globe a une quantité différente de force d’impulsion ; aussi est-il des astres fixes et des astres errants, des globes qui ne semblent être faits que pour attirer, et d’autres pour pousser ou pour être poussés, et des sphères qui ont reçu une impulsion commune dans le même sens, d’autres une impulsion particulière, des astres solitaires et d’autres accompagnés de satellites, des corps de lumière et des masses de ténèbres, des planètes dont les différentes parties ne jouissent que successivement d’une lumière empruntée, des comètes qui se perdent dans l’obscurité des profondeurs de l’espace, et reviennent après des siècles se parer de nouveaux feux ;