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Russie la navigation faite en 1646 par trois vaisseaux russes, dont on prétend que l’un est arrivé au Kamtschatka par la mer Glaciale : la route de ce vaisseau est même tracée par des points dans la carte publiée par l’Académie de Pétersbourg en 1773 ; j’ai donné ci-devant les raisons qui faisaient regarder comme très suspecte cette navigation, et aujourd’hui ces mêmes raisons me paraissent bien confirmées, puisque dans la nouvelle carte russe faite en 1777, on a supprimé la route de ce vaisseau, quoique donnée dans la carte de 1773 ; et quand même, contre toute apparence, ce vaisseau unique aurait fait cette route en 1646, l’augmentation des glaces depuis cent trente-deux ans pourrait bien la rendre impraticable aujourd’hui, puisque dans le même espace de temps le détroit de Waigatz s’est entièrement glacé, et que la navigation de la mer du nord de l’Asie, à commencer de l’embouchure de l’Oby jusqu’à celle du Kolyma, est devenue bien plus difficile qu’elle ne l’était alors, au point que les Russes l’ont pour ainsi dire abandonnée, et que ce n’est qu’en partant de Kamtschatka qu’ils ont tenté des découvertes sur les côtes occidentales de l’Amérique. Ainsi nous présumons que, si l’on a pu passer autrefois de la mer Glaciale dans celle du Kamtschatka, ce passage doit être aujourd’hui fermé par les glaces. On assure que M. Cook a entrepris un troisième voyage, et que ce passage est l’un des objets de ses recherches : nous attendons avec impatience le résultat de ces découvertes, quoique je sois persuadé d’avance qu’il ne reviendra pas en Europe par la mer Glaciale de l’Asie ; mais ce grand homme de mer fera peut-être la découverte du passage au nord-ouest depuis la mer Pacifique à la baie d’Hudson.

Nous avons ci-devant exposé les raisons qui semblent prouver que les eaux de la baie d’Hudson communiquent avec cette mer : les grandes marées venant de l’ouest dans cette baie suffisent pour le démontrer ; il ne s’agit donc que de trouver l’ouverture de cette baie vers l’ouest ; mais on a jusqu’à ce jour vainement tenté cette découverte par les obstacles que les glaces opposent à la navigation dans le détroit d’Hudson et dans la baie même. Je suis donc persuadé que M. Cook ne la tentera pas de ce côté-là, mais qu’il se portera au-dessus de la côte de Californie, et qu’il trouvera le passage sur cette côte au delà du 43e degré : dès l’année 1592, Juan de Fuca, pilote espagnol, trouva une grande ouverture sur cette côte sous les 47 et 48e degrés, et y pénétra si loin qu’il crut être arrivé dans la mer du Nord. En 1602, d’Aguilar trouva cette côte ouverte sous le 43e degré, mais il ne pénétra pas bien avant dans ce détroit ; enfin on voit, par une relation publiée en anglais, qu’en 1640 l’amiral de Fonte, Espagnol, trouva sous le 54e degré un détroit ou large rivière, et qu’en la remontant il arriva à un grand archipel, et ensuite à un lac de cent soixante lieues de longueur aboutissant à un détroit de deux ou trois lieues de largeur, où la marée portant à l’est était très violente, et où il rencontra un vaisseau venant de Boston ; quoique l’on ait regardé cette