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cette mer Glaciale, depuis l’Irtisch joint à l’Oby jusqu’au fleuve Kolyma ; ces glaces flottantes incommodent la navigation, et dans quelques endroits la rendent impraticable. Le banc de la glace solide du pôle descend déjà à 76 degrés sur le cap Piasida, et engage cette pointe de terre qui n’a pu être doublée, ni par l’ouest du côté de l’Oby, ni par l’est du côté de la Léna dont les bouches sont semées de glaces flottantes ; d’autres glaces immobiles au nord-est de l’embouchure de la Jana, ne laissent aucun passage ni à l’est ni au nord. Les glaces flottantes devant l’Olenck et le Chatanga descendent jusqu’aux 73e et 74e degrés : on les trouve à la même hauteur devant l’Indigirka et vers les embouchures du Kolyma, qui paraît être le dernier terme où aient atteint les Russes par ces navigations coupées sans cesse par les glaces. C’est d’après leurs expéditions que ces glaces ont été tracées sur notre carte : il est plus que probable que des glaces permanentes ont engagé le cap Szalaginski, et peut-être aussi la côte nord-est de la terre des Tschutschis : car ces dernières côtes n’ont pas été découvertes par la navigation, mais par des expéditions sur terre d’après lesquelles on les a figurées ; les navigations qu’on prétend s’être faites autrefois autour de ce cap et de la terre des Tschutschis ont toujours été suspectes, et vraisemblablement sont impraticables aujourd’hui : sans cela les Russes, dans leurs tentatives pour la découverte des terres de l’Amérique, seraient partis des fleuves de la Sibérie, et n’auraient pas pris la peine de faire par terre la traversée immense de ce vaste pays pour s’embarquer à Kamtschatka, où il est extrêmement difficile de construire des vaisseaux, faute de bois, de fer et de presque tout ce qui est nécessaire pour l’équipement d’un navire.

Ces glaces qui viennent gagner les côtes du nord de l’Asie ; celles qui ont déjà envahi les parages de la Zemble, du Spitzberg et du vieux Groënland ; celles qui couvrent en partie les baies de Baffin, d’Hudson et leurs détroit, ne sont que comme les bords ou les appendices de la glacière de ce pôle qui en occupe toutes les régions adjacentes jusqu’au 80 et 81e degré, comme nous l’avons représenté en jetant une ombre sur cette portion de la terre à jamais perdue pour nous.

La carte du pôle antarctique présente la reconnaissance des glaces faite par plusieurs navigateurs, et particulièrement par le célèbre capitaine Cook dans ses deux voyages, le premier en 1769 et 1770, et le second en 1773, 1774 et 1775 ; la relation de ce second voyage n’a été publiée en français que cette année 1778, et je n’en ai eu connaissance qu’au mois de juin après l’impression de ce volume entièrement achevée ; mais j’ai vu avec la grande satisfaction mes conjectures confirmées par les faits ; on vient de lire dans plusieurs endroits de ce même volume les raisons que j’ai données du froid plus grand dans les régions australes que dans les boréales ; j’ai dit et répété que la portion de sphère, depuis le pôle arctique jusqu’à 9 degrés de distance, n’est qu’une région glacée, une calotte de glace solide et continue,