Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

épaules, et 5 d’épaisseur ; qu’avant de toucher ces os, on mesura la tête, qui avait 5 pieds de rondeur et 10 en rondeur. (Je dois observer que la proportion de la longueur de la tête humaine avec celle du corps n’est pas d’un cinquième, mais d’un septième et demi ; en sorte que cette tête de 5 pieds supposerait un corps humain de 37 pieds 1/2 pieds de hauteur.) Enfin, il dit que la mâchoire inférieure avait 6 pieds de tour, les orbites des yeux 7 pouces de tour, chaque clavicule 4 pieds de long, et que la plupart de ces ossements se mirent en poudre après avoir été frappés de l’air.

Le docteur Riolan publia, la même année 1613, un écrit sous le nom de Gigantomachie, dans lequel il dit que le chirurgien Habicot a donné, dans sa Gigantostéologie, des mesures fausses de la grandeur du corps et des os du prétendu géant Teutobochus ; que lui, Riolan, a mesuré l’os de la cuisse, celui de la jambe, avec l’astragale joint au calcanéum, et qu’il ne leur a trouvé que 6 1/2 pieds, y compris l’os pubis, ce qui ne ferait que 13 pieds au lieu de 25 pour la hauteur du géant.

Il donne ensuite les raisons qui lui font douter que ces os soient des os humains ; et il conclut en disant que ces os présentés par Habicot ne sont pas des os humains, mais des os d’éléphant.

Un an ou deux après la publication de la Gigantostéologie d’Habicot et de la Gigantomachie de Riolan, il parut une brochure sous le titre de l’Imposture découverte des os humains supposés, et faussement attribués au roi Teutobochus ; dans laquelle on ne trouve autre chose, sinon que ces os ne sont pas des os humains, mais des os fossiles engendrés par la vertu de la terre. Et encore un autre livret, sans nom d’auteur, dans lequel il est dit qu’à la vérité il y a parmi ces os des os humains, mais qu’il y en avait d’autres qui n’étaient pas humains.

Ensuite, en 1618, Riolan publia un écrit, sous le nom de Gigantologie, où il prétend non seulement que les os en question ne sont pas des os humains, mais encore que les hommes en général n’ont jamais été plus grands qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Habicot répondit à Riolan dans la même année 1618 ; et il dit qu’il a offert au roi Louis XIII sa Gigantostéologie, et qu’en 1613, sur la fin de juillet, on exposa aux yeux du public les os énoncés dans cet ouvrage, et que ce sont vraiment des os humains : il cite un grand nombre d’exemples, tirés des auteurs anciens et modernes, pour prouver qu’il a eu des hommes d’une grandeur excessive. Il persiste à dire que les os calcanéum, tibia et fémur du géant Teutobochus étant joints les uns avec les autres, portaient plus de 11 pieds de hauteur.

Il donne ensuite les lettres qui lui ont été écrites dans le temps de la découverte de ces os, et qui semblent confirmer la réalité du fait du tombeau et des os du géant Teutobochus. Il paraît par la lettre du seigneur de Langon, datée de Saint-Marcelin en Dauphiné, et par une autre du sieur Masurier, chirurgien à Beaurepaire qu’on avait trouvé des monnaies d’argent avec les os. La première lettre est conçue dans les termes suivants : « Comme Sa Majesté désire d’avoir le reste des os du roi Teutobochus, avec la monnaie d’argent qui s’y est trouvée, je puis vous dire d’avance que vos parties adverses sont très mal fondées, et que s’ils savaient leur métier, ils ne douteraient pas que ces os ne soient véritablement des os humains. Les docteurs en médecine de Montpellier se sont transportés ici, et auraient bien voulu avoir ces os pour de l’argent. M. le maréchal de Lesdiguières les a fait porter à Grenoble pour les voir, et les médecins et chirurgiens de Grenoble les ont reconnus pour os humains ; de sorte qu’il n’y a que les ignorants qui puissent nier cette vérité, etc. » Signé Langon.

Au reste, dans cette dispute, Riolan et Habicot, l’un médecin et l’autre chirurgien, se sont dit plus d’injures qu’ils n’ont écrit de faits et de raisons. Ni l’un ni l’autre n’ont eu assez de sens pour décrire exactement les os dont il est question ; mais tous deux, emportés par l’esprit de corps et de parti, ont écrit de manière à ôter toute confiance. Il est donc