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les eaux du fleuve sont basses, et on s’en aperçoit alors jusqu’à quarante et même cinquante lieues dans ces fleuves ; mais en hiver, c’est-à-dire dans la saison des pluies, lorsque les fleuves sont gonflés, la marée y est à peine sensible à une ou deux lieues, tant le courant de ces fleuves est rapide, et il devient de la plus grande impétuosité à l’heure du reflux.

Les grosses tortues de mer viennent déposer leurs œufs sur le fond de ces anses de sable, et on ne les voit jamais fréquenter les terrains vaseux ; en sorte que, depuis Cayenne jusqu’à la rivière des Amazones, il n’y a point de tortues, et on va les pêcher depuis la rivière Courou jusqu’au fleuve Marony. Il semble que la vase gagne tous les jours du terrain sur les sables, et qu’avec le temps cette côte nord-ouest de Cayenne en sera recouverte comme la côte sud-est ; car les tortues, qui ne veulent que du sable pour y déposer leurs œufs, s’éloignent peu à peu de la rivière Courou, et depuis quelques années on est obligé de les aller chercher plus loin du côté du fleuve Marony, dont les sables ne sont pas encore couverts.

Au delà des savanes, dont les unes sont sèches et les autres noyées, s’étend un cordon de collines qui sont toutes couvertes d’une grande épaisseur de terre, plantées partout de vieilles forêts : communément ces collines ont 350 ou 400 pieds d’élévation ; mais en s’éloignant davantage on en trouve de plus élevées, et peut-être de plus du double, en s’avançant dans les terres jusqu’à dix ou douze lieues : la plupart de ces montagnes sont évidemment d’anciens volcans éteints. Il y en a pourtant une appelée la Gabrielle, au sommet de laquelle on trouve une grande mare ou petit lac, qui nourrit des caïmans en assez grand nombre, dont apparemment l’espèce s’y est conservée depuis le temps où la mer couvrait cette colline.

Au delà de cette montagne Gabrielle, on ne trouve que de petits vallons, des tertres, des mornes et des matières volcanisées qui ne sont point en grandes masses, mais qui sont brisées par petits blocs : la pierre la plus commune, et dont les eaux ont entraîné des blocs jusqu’à Cayenne, est celle que l’on appelle pierre à ravets, qui, comme nous l’avons dit, n’est point une pierre, mais une lave de volcan ; on l’a nommée pierre à ravets parce qu’elle est trouée, et que les insectes appelés ravets se logent dans les trous de cette lave.


(30) Page 116, ligne 8. La race des géants dans l’espèce humaine a été détruite depuis nombre de siècles dans les lieux de son origine en Asie. On ne peut pas douter qu’il n’y ait eu des individus géants dans tous les climats de la terre, puisque de nos jours on en voit encore naître en tout pays, et que récemment on en a vu un qui était né sur les confins de la Laponie, du côté de la Finlande. Mais on n’est pas également sûr qu’il y ait eu des races constantes, et moins encore des peuples entiers de géants[NdÉ 1] : cependant le témoignage de plusieurs auteurs anciens, et ceux de l’Écriture sainte, qui est encore plus ancienne, me paraissent indiquer assez clairement qu’il y a eu des races de géants en Asie, et nous croyons devoir présenter ici les passages les plus positifs à ce sujet. Il est dit, Nombres xiii, verset 34 : Nous avons vu les géants de la race d’Hanak, aux yeux desquels nous ne devions pas paraître plus grands que des cigales. Et par une autre version, il est dit : Nous avons vu des monstres de la race d’Énac, auprès desquels nous n’étions pas plus grands que des sauterelles. Quoique ceci ait l’air d’une exagération, assez ordinaire dans le style oriental, cela prouve néanmoins que ces géants étaient très grands.

Dans le Deutéronome, chapitre xxi, verset 20, il est parlé d’un homme très grand de la race d’Arapha, qui avait six doigts aux pieds et aux mains. Et l’on voit, par le verset 18, que cette race d’Arapha était de genere gigantum.

On trouve encore dans le Deutéronome plusieurs passages qui prouvent l’existence des

  1. On est même certain du contraire.