Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 1.pdf/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grandeur qu’on vient de dire, est composé de quantité de petits quartiers d’aimant, qui opèrent en différentes directions ; pour les bien travailler, il faudrait les séparer en les sciant, afin que tout le morceau qui renferme la vertu de chaque aimant particulier conservât son intégrité ; on obtiendrait vraisemblablement de cette façon des aimants d’une grande force. Mais on coupe des morceaux à tout hasard, et il s’en trouve plusieurs qui ne valent rien du tout, soit parce qu’on travaille un morceau de pierre qui n’a point de vertu magnétique, ou qui n’en renferme qu’une petite portion, soit que dans un seul morceau il y ait deux ou trois aimant réunis. À la vérité, ces morceaux ont une vertu magnétique, mais comme elle n’a pas sa direction vers un même point, il n’est pas étonnant que l’effet d’un pareil aimant soit sujet à bien des variations.

L’aimant de cette montagne, à la réserve de celui qui est exposé à l’air, est d’une grande dureté, taché de noir, et rempli de tubérosités qui ont de petites parties anguleuses, comme on en voit souvent à la surface de la pierre sanguine, dont il ne diffère que par la couleur ; mais souvent, au lieu de ces parties anguleuses, on ne voit qu’une espèce de terre d’ocre : en général, les aimants qui ont ces petites parties anguleuses ont moins de vertu que les autres. L’endroit de la montagne où sont les aimants, est presque entièrement composé d’une bonne mine de fer, qu’on tire par petits morceaux entre les pierres d’aimant. Toute la section de la montagne la plus élevée renferme une pareille mine ; mais plus elle s’abaisse, moins elle contient de métal. Plus bas, au-dessous de la mine d’aimant, il y a d’autres pierres ferrugineuses, mais qui rendraient fort peu de fer, si on voulait les faire fondre : les morceaux qu’on en tire ont la couleur de métal, et sont très lourds ; ils sont inégaux en dedans, et ont presque l’air de scories : ces morceaux ressemblent assez, par l’extérieur, aux pierres d’aimant ; mais ceux qu’on tire à huit brasses au-dessous du roc, n’ont plus aucune vertu. Entre ces pierres, on trouve d’autres morceaux de roc, qui paraissent composés de très petites particules de fer ; la pierre, par elle-même, est pesante, mais fort molle ; les particules intérieures ressemblent à une matière brûlée, et elles n’ont que peu ou point de vertu magnétique. On trouve aussi de temps en temps un minerai brun de fer dans des couches épaisses d’un pouce, mais il rend peu de métal. Extrait de l’Histoire générale des Voyages, tome XVIII, page 141 et suivantes.

Il y a plusieurs autres mines d’aimant en Sibérie, dans les monts Poïas. À 10 de la route qui mène de Catherinbourg à Solikamskaia, est la montagne Galazinski ; elle a plus de 20 toises de hauteur, et c’est entièrement un rocher d’aimant, d’un brun couleur de fer dur et compact.

À 20 lieues de Solikamskaia, on trouve un aimant cubique et verdâtre ; les cubes en sont d’un brillant vif : quand on les pulvérise, ils se décomposent en paillettes brillantes couleur de feu. Au reste, on ne trouve l’aimant que dans les chaines de montagnes dont la direction est du sud au nord. Extrait de l’Histoire générale des Voyages, t. XIX, p. 472.

Dans les terres voisines des confins de la Laponie, sur les limites de la Bothnie, à deux lieues de Cokluanda, on voit une mine de fer, dans laquelle on tire des pierres d’aimant tout à fait bonnes. « Nous admirâmes avec bien du plaisir, dit le relateur, les effets surprenants de cette pierre, lorsqu’elle est encore dans le lieu natal : il fallut faire beaucoup de violence pour en tirer des pierres aussi considérables que celles que nous voulions avoir ; et le marteau dont on se servait, qui était de la grosseur de la cuisse, demeurait si fixe en tombant sur le ciseau qui était dans la pierre, que celui qui frappait avait besoin de secours pour le tirer. Je voulus éprouver cela moi-même, et ayant pris une grosse pince de fer pareille à celle dont on se sert à remuer les corps les plus pesants, et que j’avais de la peine à soutenir, je l’approchai du ciseau, qui l’attira avec violence extrême, et la soutenait avec une force inconcevable. Je mis une boussole au milieu du trou où était la mine et l’aiguille tournait continuellement d’une vitesse incroyable. » Œuvres de Regnard, Paris, 1742, t. Ier, page 185.