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l’équateur, tant par la plus forte épaisseur du globe que par la plus grande chaleur du soleil.

Nous avons fixé, d’après nos hypothèses, le premier instant possible du commencement de la nature vivante à trente-cinq ou trente-six mille ans, à dater de la formation du globe, parce que ce n’est qu’à cet instant qu’on aurait pu commencer à le toucher sans se brûler, en donnant vingt-cinq mille ans de plus pour achever l’ouvrage immense de la construction de nos montagnes calcaires, pour leur figuration par angles saillants et rentrants, pour l’abaissement des mers, pour les ravages des volcans et pour le dessèchement de la surface de la terre, nous ne compterons qu’environ quinze mille ans depuis le temps où la terre, après avoir essuyé, éprouvé tant de bouleversements et de changements, s’est enfin trouvée dans un état plus calme et assez fixe pour que les causes de destruction ne fussent pas plus puissantes et plus générales que celles de la production. Donnant donc quinze mille ans d’ancienneté à la nature vivante telle qu’elle nous est parvenue, c’est-à-dire quinze mille ans d’ancienneté aux espèces d’animaux terrestres nées dans les terres du nord, et actuellement existantes dans celles du midi, nous pourrons supposer qu’il y a peut-être cinq mille ans que les éléphants sont confinés dans la zone torride, et qu’ils ont séjourné tout autant de temps dans les climats qui forment aujourd’hui les zones tempérées, et peut-être autant dans les climats du nord, où ils ont pris naissance.

Mais cette marche régulière qu’ont suivie les plus grands, les premiers animaux dans notre continent, paraît avoir souffert des obstacles dans l’autre : il est très certain qu’on a trouvé, et il est très probable qu’on trouvera encore des défenses et des ossements d’éléphants en Canada, dans le pays des Illinois, au Mexique et dans quelques autres endroits de l’Amérique septentrionale ; mais nous n’avons aucune observation, aucun monument qui nous indiquent le même fait pour les terres de l’Amérique méridionale. D’ailleurs, l’espèce même de l’éléphant qui s’est conservée dans l’ancien continent ne subsiste plus dans l’autre : non seulement cette espèce ni aucune autre de toutes celles des animaux terrestres qui occupent actuellement les terres méridionales de notre continent ne se sont trouvées dans les terres méridionales du nouveau monde, mais même il paraît qu’ils n’ont existé que dans les contrées septentrionales de ce nouveau continent ; et cela, dans le même temps qu’ils existaient dans celles de notre continent. Ce fait ne démontre-t-il pas que l’ancien et le nouveau continent n’étaient pas alors séparés vers le nord, et que leur séparation ne s’est faite que postérieurement au temps de l’existence des éléphants dans l’Amérique septentrionale, où leur espèce s’est probablement éteinte par le refroidissement, et à peu près dans le temps de cette séparation des continents, parce que ces animaux n’auront pu gagner les régions de l’équateur dans ce