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et particuliers ; des tourbillons de fumée et des tempêtes excitées par les violentes secousses de la terre et de la mer ; des inondations, des débordements ; des déluges occasionnés par ces mêmes commotions ; des fleuves de verre fondu, de bitume et de soufre, ravageant les montagnes et venant dans les plaines empoisonner les eaux ; le soleil même presque toujours offusqué, non seulement par des nuages aqueux, mais par des masses épaisses de cendres et de pierres poussées par les volcans, et nous remercierons le Créateur de n’avoir pas rendu l’homme témoin de ces scènes effrayantes et terribles qui ont précédé, et pour ainsi dire annoncé la naissance de la nature intelligente et sensible[NdÉ 1].




CINQUIÈME ÉPOQUE

LORSQUE LES ÉLÉPHANTS ET LES AUTRES ANIMAUX DU MIDI ONT HABITÉ LES TERRES DU NORD.

Tout ce qui existe aujourd’hui dans la nature vivante a pu exister de même dès que la température de la terre s’est trouvée la même. Or, les contrées septentrionales du globe ont joui pendant longtemps du même degré de chaleur dont jouissent aujourd’hui les terres méridionales ; et dans le temps où ces contrées du nord jouissaient de cette température, les terres avancées vers le midi étaient encore brûlantes et sont demeurées désertes pendant un long espace de temps. Il semble même que la mémoire s’en soit conservée par la tradition, car les anciens étaient persuadés que les terres de la zone torride étaient inhabitées ; elles étaient en effet encore inhabitables longtemps après la population des terres du nord ; car, en supposant trente-cinq mille ans pour le temps nécessaire au refroidissement de la terre sous les pôles, seulement au point d’en pouvoir toucher la surface sans se brûler, et vingt ou vingt-cinq mille ans de plus, tant pour la retraite des mers que pour l’attiédissement nécessaire à l’existence des êtres aussi sensibles que le sont les animaux terrestres, on sentira bien qu’il faut compter quelques milliers d’années de plus pour le refroidissement du globe à l’équateur, tant à cause de la plus grande épaisseur de la terre que de l’accession de la chaleur solaire qui est considérable sur l’équateur et presque nulle sous le pôle.

  1. Ce tableau est fort beau, mais il est probablement inexact. Le plus grand nombre des phénomènes qui ont donné lieu aux transformations multiples de la surface de notre globe se sont effectués avec une telle lenteur, que les spectateurs, s’il en existait, ne pouvaient pas s’en apercevoir.