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dés de quelques autres effets encore plus généraux, lesquels ont influé sur quelques traits de la face entière de la terre. Nous avons dit que les eaux, venant en plus grande quantité du pôle austral, avaient aiguisé toutes les pointes des continents ; mais après la chute complète des eaux, lorsque la mer universelle eut pris son équilibre, le mouvement du midi au nord cessa, et la mer n’eut plus à obéir qu’à la puissance constante de la lune, qui, se combinant avec celle du soleil, produisit les marées et le mouvement constant d’orient en occident ; les eaux, dans leur premier avènement, avaient d’abord été dirigées des pôles vers l’équateur, parce que les parties polaires, plus refroidies que le reste du globe, les avaient reçues les premières ; ensuite elles ont gagné successivement les régions de l’équateur ; et lorsque ces régions ont été couvertes, comme toutes les autres, par les eaux, le mouvement d’orient en occident s’est dès lors établi pour jamais : car non seulement il s’est maintenu pendant cette longue période de la retraite des mers, mais il se maintient encore aujourd’hui. Or, ce mouvement général de la mer d’orient en occident a produit sur la surface de la masse terrestre un effet tout aussi général ; c’est d’avoir escarpé toutes les côtes occidentales des continents terrestres et d’avoir en même temps laissé tous les terrains en pente douce du côté de l’orient.

À mesure que les mers s’abaissaient et découvraient les pointes les plus élevées des continents, ces sommets, comme autant de soupiraux qu’on viendrait de déboucher, commencèrent à laisser exhaler les nouveaux feux produits dans l’intérieur de la terre par l’effervescence des matières qui servent d’aliment aux volcans. Le domaine de la terre, sur la fin de cette seconde période de vingt mille ans, était partagé entre le feu et l’eau : également déchirée et dévorée par la fureur de ces deux éléments, il n’y avait nulle part ni sûreté ni repos ; mais heureusement ces anciennes scènes, les plus épouvantables de la nature, n’ont point eu de spectateurs, et ce n’est qu’après cette seconde période entièrement révolue que l’on peut dater la naissance des animaux terrestres[NdÉ 1] ; les eaux étaient alors retirées, puisque les deux grands continents étaient unis vers le nord et également peuplés d’éléphants ; le nombre des volcans était aussi beaucoup diminué, parce que leurs éruptions ne pouvant s’opérer que par le conflit de l’eau et du feu, elles avaient cessé dès que la mer en s’abaissant s’en était éloignée. Qu’on se représente encore l’aspect qu’offrait la terre immédiatement après cette seconde période, c’est-à-dire à cinquante-cinq ou soixante mille ans de sa formation. Dans toutes les parties basses, des mares profondes, des courants rapides et des tournoiements d’eau ; des tremblements de terre presque continuels, produits par l’affaissement des cavernes et par les fréquentes explosions des volcans, tant sous mer que sur terre ; des orages généraux

  1. Les végétaux et les animaux terrestres peuvent tous être considérés comme produits par la transformation d’espèces aquatiques préexistantes. (Voyez mon Introduction.)