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mont et Montigny-le-Roi, qui est situé sur un monticule adhérent au continent par une langue de terre très étroite. On voit encore une de ces collines isolées à Andilly, une autre auprès d’Heuilly-Coton, etc. Nous devons observer qu’en général ces collines calcaires isolées sont moins hautes que celles qui les environnent, et desquelles ces collines sont actuellement séparées, parce que le courant, remplissant toute la largeur du vallon, passait par-dessus ces collines isolées avec un mouvement direct et les détruisait par le sommet, tandis qu’il ne faisait que baigner le terrain des coteaux du vallon, et ne les attaquait que par un mouvement oblique ; en sorte que les montagnes qui bordent les vallons sont demeurées plus élevées que les collines isolées qui se trouvent entre deux. À Montbard, par exemple, la hauteur de la colline isolée au-dessus de laquelle sont situés les murs de l’ancien château n’est que de cent quarante pieds, tandis que les montagnes qui bordent le vallon des deux côtés, au nord et au midi, en ont plus de trois cent cinquante ; et il en est de même des autres collines calcaires que nous venons de citer : toutes celles qui sont isolées sont en même temps moins élevées que les autres, parce qu’étant au milieu du vallon et au fil de l’eau, elles ont été minées sur leurs sommets par le courant, toujours plus violent et plus rapide dans le milieu que vers les bords de son cours.

Lorsqu’on regarde ces escarpements, souvent élevés à pic à plusieurs toises de hauteur ; lorsqu’on les voit composés du haut en bas de bancs de pierres calcaires très massives et fort dures, on est émerveillé du temps prodigieux qu’il faut supposer pour que les eaux aient ouvert et creusé ces énormes tranchées ; mais deux circonstances ont concouru à l’accélération de ce grand ouvrage : l’une de ces circonstances est que, dans toutes les collines et montagnes calcaires, les lits supérieurs sont les moins compacts et les plus tendres, en sorte que les eaux ont aisément entamé la superficie du terrain et formé la première ravine qui a dirigé leur cours ; la seconde circonstance est que, quoique ces bancs de matière calcaire se soient formés et même séchés et pétrifiés sous les eaux de la mer, il est néanmoins très certain qu’ils n’étaient d’abord que des sédiments superposés de matières molles, lesquelles n’ont acquis de la dureté que successivement par l’action de la gravité sur la masse totale, et par l’exercice de la force d’affinité de leurs parties constituantes. Nous sommes donc assurés que ces matières n’avaient pas acquis toute la solidité et la dureté que nous leur voyons aujourd’hui, et que dans ce temps de l’action des courants de la mer, elles devaient lui céder avec moins de résistance. Cette considération diminue l’énormité de la durée du temps de ce travail des eaux, et explique d’autant mieux la correspondance des angles saillants et rentrants des collines, qui ressemble parfaitement à la correspondance des bords de nos rivières dans tous les terrains aisés à diviser.

C’est pour la construction même de ces terrains calcaires, et non pour