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assez voisine de la crête de ce long cordon de la montagne de Langres, un puits de deux cents pieds de profondeur creusé dans la pierre calcaire avant de trouver l’argile[1].

Le premier fond des grandes vallées, formées par le feu primitif ou même par les courants de la mer, a dont été recouvert et élevé successivement de tout le volume des déblais entraînés par le courant à mesure qu’il déchirait les terrains supérieurs : le fond de ceux-ci est demeuré presque nu, tandis que celui des vallées inférieures a été chargé de toute la matière que les autres ont perdue ; de sorte que, quand on ne voit que superficiellement la surface de nos continents, on tombe dans l’erreur en la divisant en bandes sablonneuses, marneuses, schisteuses, etc. ; car toutes ces bandes ne sont que des déblais superficiels qui ne prouvent rien et qui ne font, comme je l’ai dit, que masquer la nature et nous tromper sur la vraie théorie de la terre. Dans les vallons supérieurs, on ne trouve d’autres déblais que ceux qui sont descendus, longtemps après la retraite des mers, par l’effet des eaux pluviales, et ces déblais ont formé les petites couches de terre qui recouvrent actuellement le fond et les coteaux de ces vallons. Ce même effet a eu lieu dans les grandes vallées, mais avec cette différence que dans les petits vallons, les terres, les graviers et les autres détriments amenés par les eaux pluviales et par les ruisseaux, se sont déposés immédiatement sur un fond nu et balayé par les courants de la mer, au lieu que dans les grandes vallées, ces mêmes détriments amenés par les eaux pluviales n’ont pu que se superposer sur les couches beaucoup plus épaisses des déblais entraînés et déposés précédemment par ces mêmes courants : c’est par cette raison que, dans toutes les plaines et les grandes vallées, nos observateurs croient trouver la nature en désordre, parce qu’ils y voient les matières calcaires mélangées avec les matières vitrescibles, etc. Mais n’est-ce pas vouloir juger d’un bâtiment par les gravois, ou de toute autre construction par les recoupes des matériaux ?

Ainsi, sans nous arrêter sur ces petites et fausses vues, suivons notre objet dans l’exemple que nous avons donné.

Les trois grands courants, qui se sont formés au-dessous des sommets de la montagne de Langres, nous sont aujourd’hui représentés par les vallées de la Meuse, de la Marne et de la Vingeanne. Si nous examinons ces terrains en détail, nous observons que les sources de la Meuse sortent en partie des marécages du Bassigny et d’autres petites vallées très étroites et très escarpées ; que la Mance et la Vingeanne, qui toutes deux se jettent dans la Saône, sortent aussi de vallées très étroites de l’autre côté du sommet ; que la vallée de la Marne sous Langres a environ cent toises de profondeur ; que, dans tous ces premiers vallons, les coteaux sont voisins et escarpés ; que

  1. Au château de Rochefort, près d’Anières en Champagne.