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J’aurais pu faire un livre gros comme celui de Burnet ou de Whiston, si j’eusse voulu délayer les idées qui composent le système qu’on vient de voir, et, en leur donnant l’air géométrique, comme l’a fait ce dernier auteur, je leur eusse en même temps donné du poids ; mais je pense que des hypothèses, quelque vraisemblables qu’elles soient, ne doivent point être traitées avec cet appareil qui tient un peu de la charlatanerie.


À Buffon, le 20 septembre 1745.





ARTICLE II

DU SYSTÈME DE M. WHISTON[1]



Cet auteur commence son traité de la théorie de la terre par une dissertation sur la création du monde ; il prétend qu’on a toujours mal entendu le texte de la Genèse, qu’on s’est trop attaché à la lettre et au sens qui se présente à la première vue, sans faire attention à ce que la nature, la raison, la philosophie, et même la décence exigeaient de l’écrivain pour traiter dignement cette matière. Il dit que les notions qu’on a communément de l’ouvrage des six jours sont absolument fausses, et que la description de Moïse n’est pas une narration exacte et philosophique de la création de l’univers entier et de l’origine de toutes choses, mais une représentation historique de la formation du seul globe terrestre. La terre, selon lui, existait auparavant dans le chaos, et elle a reçu dans le temps mentionné par Moïse la forme, la situation et la consistance nécessaires pour pouvoir être habitée par le genre humain. Nous n’entrerons point dans le détail de ses preuves à cet égard, et nous n’entreprendrons pas d’en faire la réfutation ; l’exposition que nous venons de faire suffit pour démontrer la contrariété de son opinion avec la foi, et par conséquent l’insuffisance de ses preuves : au reste, il traite cette matière en théologien controversiste plutôt qu’en philosophe éclairé.

Partant de ces faux principes, il passe à des suppositions ingénieuses, et qui, quoique extraordinaires, ne laissent pas d’avoir un degré de vraisemblance, lorsqu’on veut se livrer avec lui à l’enthousiasme du système ; il dit que l’ancien chaos, l’origine de notre terre, a été l’atmosphère d’une comète, que le mouvement annuel de la terre a commencé dans le temps qu’elle a pris une nouvelle forme, mais que son mouvement diurne n’a commencé qu’au temps de la chute du premier homme ; que le cercle de l’écliptique coupait alors le tropique du Cancer au point du paradis terrestre à la frontière d’Assyrie, du côté du nord-ouest ; qu’avant le déluge l’année commençait à l’équinoxe d’automne ; que les orbites originaires des planètes, et surtout l’orbite de la terre, étaient avant le déluge des cercles parfaits ; que le déluge a commencé le 18e jour de novembre de l’année 2365 de la période Julienne, c’est-à-dire 2 349 ans avant l’ère chrétienne : que l’année solaire et l’année lunaire étaient les mêmes avant le déluge, et qu’elles contenaient juste 360 jours ; qu’une comète, descendant dans le plan de l’écliptique vers son périhélie, a passé tout auprès du globe de la terre le jour même que le déluge a commencé ; qu’il y a une grande chaleur dans l’intérieur du globe terrestre, qui se répand constamment du centre à la circonférence ; que la constitution intérieure et totale de la terre est comme celle d’un œuf, ancien emblème du globe ; que les montagnes sont les parties les plus légères de la terre, etc. Ensuite il attribue au déluge universel toutes les

  1. A New Theory of the Earth, by Will. Whiston. London, 1708.