Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

continuellement des nuages et retombent incessamment en forme de pluie, de rosée, de brouillard ou de neige. Toutes ces eaux sont d’abord descendues dans les plaines[1], sans tenir de route fixe ; mais peu à peu elles ont creusé leur lit, et, cherchant par leur pente naturelle les endroits les plus bas de la montagne et les terrains les plus faciles à diviser ou à pénétrer, elles ont entraîné les terres et les sables ; elles ont formé des ravines profondes en coulant avec rapidité dans les plaines ; elles se sont ouvert des chemins jusqu’à la mer, qui reçoit autant d’eau par ses bords qu’elle en perd par l’évaporation ; et, de même que les canaux et les ravines que les fleuves ont creusés ont des sinuosités et des contours dont les angles sont correspondants entre eux, en sorte que l’un des bords formant un angle saillant dans les terres, le bord opposé fait toujours un angle rentrant, les montagnes et les collines qu’on doit regarder comme les bords des vallées qui les séparent ont aussi des sinuosités correspondantes de la même façon ; ce qui semble démontrer que les vallées ont été les canaux des courants de la mer, qui les ont creusés peu à peu et de la même manière que les fleuves ont creusé leur lit dans les terres.

Les eaux qui roulent sur la surface de la terre, et qui y entretiennent la verdure et la fertilité, ne sont peut-être que la plus petite partie de celles que les vapeurs produisent ; car il y a des veines d’eau qui coulent et de l’humidité qui se filtre à de grandes profondeurs dans l’intérieur de la terre. Dans certains lieux, en quelque endroit qu’on fouille, on est sûr de faire un puits et de trouver de l’eau ; dans d’autres, on n’en trouve point du tout ; dans presque tous les vallons et les plaines basses, on ne manque guère de trouver de l’eau à une profondeur médiocre ; au contraire, dans tous les lieux élevés et dans toutes les plaines en montagne, on ne peut en tirer du sein de la terre, et il faut ramasser les eaux du ciel. Il y a des pays d’une vaste étendue où l’on n’a jamais pu faire un puits et où toutes les eaux qui servent à abreuver les habitants et les animaux sont contenues dans des mares et des citernes. En Orient, surtout dans l’Arabie, dans l’Egypte, dans la Perse, etc., les puits sont extrêmement rares, aussi bien que les sources d’eau douce, et ces peuples ont été obligés de faire de grands réservoirs pour recueillir les eaux des pluies et des neiges : ces ouvrages, faits pour la nécessité publique, sont peut-être les plus beaux et les plus magnifiques monuments des Orientaux ; il y a des réservoirs qui ont jusqu’à deux lieues de surface, et qui servent à arroser et à abreuver une province entière, au moyen des saignées et des petits ruisseaux qu’on en dérive de tous côtés. Dans d’autres pays, au contraire, comme dans les plaines où coulent les grands fleuves de la terre, on ne peut pas fouiller un peu profondément sans trouver de l’eau, et dans un camp situé aux environs d’une

  1. Voyez les Preuves, art. x et xviii.