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matières volatiles du premier âge aura été prodigieusement augmenté par l’addition de toutes les matières combustibles, dont la formation est des âges subséquents. Les pyrites, les soufres, les charbons de terre, les bitumes, etc., ont pénétré dans les cavités de la terre et ont produit presque partout de grands amas de matières inflammables, et souvent des incendies qui se manifestent par des tremblements de terre, par l’éruption des volcans, et par les sources chaudes qui découlent des montagnes, ou sourdissent à l’intérieur dans les cavités de la terre. On peut donc présumer que ces feux souterrains, dont les uns brûlent, pour ainsi dire, sourdement et sans explosion, et dont les autres éclatent avec tant de violence, augmentent un peu l’effet de la chaleur générale du globe. Néanmoins, cette addition de chaleur ne peut être que très petite, car on a observé qu’il fait à très peu près aussi froid au-dessus des volcans qu’au-dessus des autres montagnes à la même hauteur, à l’exception des temps où le volcan travaille et jette au dehors des vapeurs enflammées ou des matières brûlantes. Cette cause particulière de chaleur ne me paraît donc pas mériter autant de considération que lui en ont donné quelques physiciens.

Il n’en est pas de même d’une seconde cause à laquelle il semble qu’on n’a pas pensé : c’est le mouvement de la lune autour de la terre. Cette planète secondaire fait sa révolution autour de nous en 27 jours un tiers environ, et étant éloignée à 85 325 lieues, elle parcourt une circonférence de 536 329 lieues dans cet espace de temps, ce qui fait un mouvement de 817 lieues par heure, ou de 13 à 14 lieues par minute : quoique cette marche soit peut-être la plus lente de tous les corps célestes, elle ne laisse pas d’être assez rapide pour produire sur la terre, qui sert d’essieu ou de pivot à ce mouvement, une chaleur considérable par le frottement qui résulte de la charge et de la vitesse de cette planète. Mais il ne nous est pas possible d’évaluer cette quantité de chaleur produite par cette cause extérieure, parce que nous n’avons rien jusqu’ici qui puisse nous servir d’unité ou de terme de comparaison. Mais si l’on parvient jamais à connaître le nombre, la grandeur et la vitesse de toutes les comètes, comme nous connaissons le nombre, la grandeur et la vitesse de toutes les planètes qui circulent autour du soleil, on pourra juger alors de la quantité de chaleur que la lune peut donner à la terre par la quantité beaucoup plus grande de feu que tous ces vastes corps excitent dans le soleil. Et je serais fort porté à croire que la chaleur produite par cette cause dans le globe de la terre ne laisse pas de faire une partie assez considérable de sa chaleur propre ; et qu’en conséquence il faut encore étendre les limites des temps pour la durée de la nature. Mais revenons à notre principal objet.

Nous avons vu que les étés sont à très peu près égaux dans tous les climats de la terre, et que cette vérité est appuyée sur des faits incontestables ; mais il n’en est pas de même des hivers ; ils sont très inégaux, et d’autant plus inégaux dans les différents climats qu’on s’éloigne plus de celui de l’équateur, où la chaleur en hiver et en été est à peu près la même. Je crois en avoir donné la raison dans le cours de ce Mémoire, et avoir expliqué d’une manière satisfaisante la cause de cette inégalité, par la suppression des émanations de la chaleur terrestre. Cette suppression est, comme je l’ai dit, occasionnée par les vents froids qui se rabattent du haut de l’air, resserrent les terres, glacent les eaux et renferment les émanations de la chaleur terrestre pendant tout le temps que dure la gelée, en sorte qu’il n’est pas étonnant que le froid des hivers soit en effet d’autant plus grand que l’on avance davantage vers les climats où la masse de l’air, recevant plus obliquement les rayons du soleil, est par cette raison la plus froide.

Mais il y a pour le froid comme pour le chaud quelques contrées sur la terre qui font une exception à la règle générale. Au Sénégal, en Guinée, à Angola, et probablement dans tous les pays où l’on trouve l’espèce humaine teinte de noir, comme en Nubie, à la terre des Papous, dans la Nouvelle-Guinée, etc., il est certain que la chaleur est plus grande que dans tout le reste de la terre ; mais c’est par des causes locales, dont nous