Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 2.pdf/436

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si l’on jette les yeux sur la table que M. de Mairan a dressée avec grande exactitude et dans laquelle il donne la proportion de la chaleur qui nous vient du soleil à celle qui émane de la terre dans tous les climats, on y reconnaîtra d’abord un fait bien avéré, c’est que dans tous les climats où l’on a fait des observations les étés sont égaux, tandis que les hivers sont prodigieusement inégaux ; ce savant physicien attribue cette égalité constante de l’intensité de la chaleur pendant l’été dans tous les climats à la compensation réciproque de la chaleur solaire et de la chaleur des émanations du feu central : « Ce n’est donc pas ici, dit-il (page 253), une affaire de choix, de système ou de convenance, que cette marche alternativement décroissante et croissante des émanations centrales en inverse des étés solaires, c’est le fait même, etc. » En sorte que, selon lui, les émanations de la chaleur de la terre croissent ou décroissent précisément dans la même raison que l’action de la chaleur du soleil décroît et croît dans les différents climats ; et comme cette proportion d’accroissement et de décroissement entre la chaleur terrestre et la chaleur solaire lui paraît, avec raison, très étonnante suivant sa théorie, et qu’en même temps il ne peut pas douter du fait, il tâche de l’expliquer en disant : « que le globe terrestre étant d’abord une pâte molle de terre et d’eau, venant à tourner sur son axe, et continuellement exposée aux rayons du soleil, selon tous les aspects annuels des climats, s’y sera durcie vers la surface, et d’autant plus profondément, que ces parties y seront plus exactement exposées. Et si un terrain plus dur, plus compact, plus épais, et en général plus difficile à pénétrer, devient dans ces mêmes rapports un obstacle d’autant plus grand aux émanations du feu intérieur de la terre, comme il est évident que cela doit arriver, ne voilà-t-il pas dès lors ces obstacles en raison directe des différentes chaleurs de l’été solaire, et les émanations centrales en raison inverse de ces mêmes chaleurs ? Et qu’est-ce alors autre chose que l’égalité universelle des étés ? Car, supposant ces obstacles ou ces retranchements de chaleur faits à l’émanation constante et primitive exprimés par les valeurs mêmes des étés solaires, c’est-à-dire dans la plus parfaite et la plus visible de toutes les proportionnalités, l’égalité, il est clair qu’on ne retranche d’un côté à la même grandeur que ce qu’on y ajoute de l’autre, et que par conséquent les sommes ou les étés en seront toujours et partout les mêmes. Voilà donc (ajoute-t-il) cette égalité surprenante des étés, dans tous les climats de la terre, ramenée à un principe intelligible, soit que la terre, d’abord fluide, ait été durcie ensuite par l’action du soleil, du moins vers les dernières couches qui la composent, soit que Dieu l’ait créée tout d’un coup dans l’état où les causes physiques et les lois du mouvement l’auraient amenée. » Il me semble que l’auteur aurait mieux fait de s’en tenir bonnement à cette dernière cause qui dispense de toutes recherches et de toutes spéculations que de donner une explication qui pèche non seulement dans le principe, mais dans presque tous les points des conséquences qu’on en pourrait tirer.

Car y a-t-il rien de plus indépendant l’un de l’autre que la chaleur qui appartient en propre à la terre, et celle qui lui vient du dehors ? est-il naturel, est-il même raisonnable d’imaginer qu’il existe réellement dans la nature une loi de calcul, par laquelle les émanations de cette chaleur intérieure du globe suivraient exactement l’inverse des accessions de la chaleur du soleil sur la terre ? et cela dans une proportion si précise que l’augmentation des unes compenserait exactement la diminution des autres. Il ne faut qu’un peu de réflexion pour se convaincre que ce rapport purement idéal n’est nullement fondé, et que, par conséquent, le fait très réel de l’égalité des étés ou de l’égale intensité de chaleur en été dans tous les climats ne dérive pas de cette combinaison précaire dont ce physicien fait un principe, mais d’une cause toute différente que nous allons exposer.

Pourquoi dans tous les climats de la terre, où l’on a fait des observations suivies avec des thermomètres comparables, se trouve-t-il que les étés (c’est-à-dire l’intensité de la chaleur en été) sont égaux, tandis que les hivers (c’est-à-dire l’intensité de la chaleur en hiver)