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comètes, dont la période est la plus longue. Supposant donc qu’il ait été départi à Sirius un espace égal à celui qui appartient à notre soleil, on voit qu’il faut encore reculer les limites de notre système solaire de 742 fois plus qu’il ne l’est déjà jusqu’à l’aphélie de la comète, dont l’énorme distance au soleil n’est néanmoins qu’une unité sur 742 du demi-diamètre total de la sphère entière du système solaire[1].

Ainsi, quand même il existerait des comètes dont la période de révolution serait double, triple et même décuple de la période de 575 ans, la plus longue qui nous soit connue, quand les comètes en conséquence pourraient s’enfoncer à une profondeur dix fois plus grande, il y aurait encore un espace 74 ou 75 fois plus profond pour arriver aux derniers confins, tant du système solaire que du système sirien ; en sorte qu’en donnant à Sirius autant de grandeur et de puissance qu’en a notre soleil, et supposant dans son système autant ou plus de corps cométaires qu’il n’existe de comètes dans le système solaire, Sirius les régira comme le soleil régit les siens, et il restera de même un intervalle immense entre les confins des deux empires : intervalle qui ne paraît être qu’un désert dans

  1. Distance de la terre au soleil. 
    33 millions de lieues.
    Distance de Saturne au soleil. 
    313
    Distance de l’aphélie de la comète au soleil. 
    4 554
    Distance de Sirius au soleil. 
    6 771 770
    Distance de Sirius au point de l’aphélie de la comète, en supposant qu’en remontant du soleil, la comète ait pointé directement vers Sirius (supposition qui diminue la distance autant qu’il est possible). 
    6 767 216
    Moitié de la distance de Sirius au soleil, ou profondeur du système solaire et du système Sirien. 
    3 385 885
    Étendue au delà des limites de l’aphélie des comètes. 
    3 381 331
    Ce qui étant divisé par la distance de l’aphélie de la comète, donne. 
    742 1/2 environ

    On peut encore d’une autre manière se former une idée de cette distance immense de Sirius à nous, en se rappelant que le disque du soleil forme à nos yeux un angle de 32 minutes, tandis que celui de Sirius n’en fait pas un d’une seconde ; et Sirius étant un soleil comme le nôtre, que nous supposerons d’une égale grandeur, puisqu’il n’y a pas plus de raison de le supposer plus grand que plus petit, il nous paraîtrait aussi grand que le soleil s’il n’était qu’à la même distance. Prenant donc deux nombres proportionnels au carré de 32 minutes et au carré d’une seconde, on aura 3 686 400 pour la distance de la terre à Sirius, et 1 pour sa distance au soleil ; et comme cette unité vaut 33 millions de lieues, on voit à combien de milliards de lieues Sirius est loin de nous, puisqu’il faut multiplier ces 33 millions par 3 686 400, et si nous divisons l’espace entre ces deux soleils voisins, quoique si fort éloignés, nous verrons que les comètes pourraient s’éloigner à une distance dix-huit cent mille fois plus grande que celle de la terre au soleil, sans sortir des limites de l’univers solaire, et sans subir par conséquent d’autres lois que celle de notre soleil ; et de là on peut conclure que le système, solaire a pour diamètre une étendue qui, quoique prodigieuse, ne fait néanmoins qu’une très petite portion des cieux, et l’on en doit inférer une vérité peu connue, c’est que de tous les points de l’univers planétaire, c’est-à-dire que du soleil, de la terre et de toutes les autres planètes, le ciel doit paraître le même.

    Lorsque dans une belle nuit l’on considère tous ces feux dont brille la voûte céleste, on imaginerait qu’en se transportant dans une autre planète plus éloignée du soleil que ne l’est la terre, on verrait ces astres étincelants grandir et répandre une lumière plus vive, puisqu’on les verrait de plus près. Néanmoins l’espèce de calcul que nous venons de faire démontre que quand nous serions placés dans Saturne, c’est-à-dire neuf ou dix fois plus loin de notre soleil, et 300 millions de lieues plus près de Sirius, il ne nous paraîtrait plus gros que d’une 194 021e partie, augmentation qui serait absolument insensible ; d’où l'on doit conclure que le ciel a pour toutes les planètes le même aspect que pour la terre.