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Mais on verra que ces rapports varieront par la compensation que la chaleur du soleil a faite à la perte de la chaleur propre de toutes les planètes.

Pour estimer la compensation que fait l’accession de cette chaleur extérieure envoyée par le soleil et les planètes à la perte de la chaleur intérieure de chaque planète en particulier, il faut commencer par évaluer la compensation que la chaleur du soleil seul a faite à la perte de la chaleur propre du globe terrestre. On a fait une estimation assez précise de la chaleur qui émane actuellement de la terre et de celle qui lui vient du soleil : on a trouvé, par des observations très exactes et suivies pendant plusieurs années, que cette chaleur qui émane du globe terrestre est en tout temps et en toutes saisons bien plus grande que celle qu’il reçoit du soleil. Dans nos climats, et particulièrement sous le parallèle de Paris, elle paraît être en été vingt-neuf fois, et en hiver quatre cent quatre-vingt-onze fois plus grande que la chaleur qui nous vient du soleil[1]. Mais on tomberait dans l’erreur si l’on voulait tirer de l’un ou de l’autre de ces rapports, ou même des deux pris ensemble, le rapport réel de la chaleur propre du globe terrestre à celle qui lui vient du soleil, parce que ces rapports ne donnent que les points de la plus grande chaleur de l’été et de la plus petite chaleur, ou ce qui est la même chose, du plus grand froid en hiver, et qu’on ignore tous les rapports intermédiaires des autres saisons de l’année. Néanmoins ce ne serait que de la somme de tous ces rapports, soigneusement observés chaque jour, et ensuite réunis, qu’on pourrait tirer la proportion réelle de la chaleur du globe terrestre à celle qui lui vient du soleil. Mais nous pouvons arriver plus aisément à ce même but en prenant le climat de l’équateur, qui n’est pas sujet aux mêmes inconvénients, parce que les étés, les hivers et toutes les saisons y étant à peu près égales, le rapport de la chaleur solaire à la chaleur terrestre y est constant, et toujours de 1/50, non seulement sous la ligne équatoriale, mais à cinq degrés des deux côtés de cette ligne[2]. On peut donc croire, d’après ces observations, qu’en général la chaleur de la terre est encore aujourd’hui cinquante fois plus grande que la chaleur qui lui vient du soleil. Cette addition ou compensation de 1/50 à la perte de la chaleur propre du globe n’est pas si considérable qu’on aurait été porté à l’imaginer. Mais, à mesure que le globe se refroidira davantage, cette même chaleur du soleil fera une plus forte compensation et deviendra de plus en plus nécessaire au maintien de la nature vivante, comme elle a été de moins en moins utile à mesure qu’on remonte vers les premiers temps ; car, en prenant 74 047 ans pour date de la formation de la terre et des planètes, il s’est écoulé peut-être plus de 35 000 ans où la chaleur du soleil était de trop pour nous, puisque la surface de notre globe était encore si chaude, au bout de 33 911 ans, qu’on n’aurait pu la toucher.

Pour évaluer l’effet total de cette compensation qui est 1/50 aujourd’hui, il faut chercher ce qu’elle a été précédemment, à commencer du premier moment lorsque la terre était en incandescence ; ce que nous trouverons en comparant la chaleur actuelle du globe terrestre avec celle qu’il avait dans ce temps. Or nous savons par les expériences de Newton, corrigées dans notre premier Mémoire[3], que la chaleur du fer rouge, qui est à très peu près égale à celle du verre en incandescence, et huit fois plus grande que la chaleur de l’eau bouillante, est vingt-quatre fois plus grande que celle du soleil en été. Or, cette chaleur du soleil en été, à laquelle Newton a comparé les autres chaleurs, est composée de la chaleur propre de la terre et de celle qui lui vient du soleil en été dans nos climats ; et comme cette dernière chaleur n’est que 1/29 de la première il s’ensuit que de 30/30 ou 1 qui représentent ici l’unité de la chaleur en été, il n’en appartient au soleil que 1/30, et qu’il

  1. Voyez la table dressée par M. de Mairan, Mémoires de l’Académie des sciences, année 1765, p. 143.
  2. Voyez la table citée ci-dessus.
  3. Premier Mémoire sur les progrès de la chaleur, Partie expérimentale.