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l’état d’incandescence d’abord avec flamme, et ensuite avec lumière rouge à la surface, a duré, tout ce temps, après lequel la chaleur, quoique obscure, ne laissait pas d’être assez forte pour enflammer les matières combustibles, pour rejeter l’eau et la dissiper en vapeurs, pour sublimer les substances volatiles, etc. Cet état de grande chaleur sans incandescence a duré 33 911 ans, car nous avons démontré, par les expériences du premier Mémoire, qu’il faudrait 42 964 ans à un globe de fer gros comme la terre et chauffé jusqu’au rouge, pour se refroidir au point de pouvoir le toucher sans se brûler ; et par les expériences du second Mémoire, on peut conclure que le rapport du refroidissement à ce point des principales matières qui composent le globe terrestre est à celui du refroidissement du fer : : 50 516 : 70 000 ; or, 70 000 : 50 516 : : 42 964 : 33 911 à très peu près. Ainsi le globe terrestre, très opaque aujourd’hui, a d’abord été brillant de sa propre lumière pendant 2 905 ans, et ensuite sa surface n’a cessé d’être assez chaude pour brûler qu’au bout de 33 911 autres années. Déduisant donc ce temps sur 74 047 ans qu’à duré le refroidissement de la terre au point de la température actuelle, il reste 40 136 ans ; c’est de quelques siècles après cette époque que l’on peut, dans cette hypothèse, dater la naissance de la nature organisée sur le globe de la terre, car il est évident qu’aucun être vivant ou organisé n’a pu exister, et encore moins subsister dans un monde où la chaleur était encore si grande, qu’on ne pouvait sans se brûler en toucher la surface, et que par conséquent ce n’a été qu’après la dissipation de cette chaleur trop forte que la terre a pu nourrir des animaux et des plantes.

La lune, qui n’a que 3/11 du diamètre de notre globe, et que nous supposons composée d’une matière dont la densité n’est à celle de la terre que : : 702 : 1 000, a dû parvenir à ce premier moment de chaleur bénigne et productive bien plus tôt que la terre, c’est-à-dire quelque temps après les 6 492 ans qui se sont écoulés avant son refroidissement, au point de pouvoir sans se brûler en toucher la surface.

Le globe terrestre se serait donc refroidi, du point d’incandescence au point de la température actuelle, en 74 047 ans, supposé que rien n’eût compensé la perte de sa chaleur propre ; mais, d’une part, le soleil envoyant constamment à la terre une certaine quantité de chaleur, l’accession ou le gain de cette chaleur extérieure a dû compenser en partie la perte de sa chaleur intérieure ; et d’autre part, la lune, dont la surface, à cause de sa proximité, nous paraît aussi grande que celle du soleil, étant aussi chaude que cet astre dans le temps de l’incandescence générale, envoyait à ce moment à la terre autant de chaleur que le soleil même, ce qui fait une seconde compensation qu’on doit ajouter à la première, sans compter la chaleur envoyée dans le même temps par les cinq autres planètes, qui semble devoir ajouter encore quelque chose à cette quantité de chaleur extérieure que reçoit et qu’a reçue la terre dans les temps précédents : abstraction faite de toute compensation par la chaleur extérieure à la perte de la chaleur propre de chaque planète, elles se seraient donc refroidies dans l’ordre suivant.

À POUVOIR EN TOUCHER LA SURFACE
sans se brûler.
À LA TEMPÉRATURE
actuelle de la terre.
Le Globe terrestre
en 033911 ans.
En
074047 ans.
La Lune
en 006492 ans.
En
014176 ans.
Mercure
en 023054 ans.
En
050351 ans.
Vénus
en 040674 ans.
En
088815 ans.
Mars
en 012873 ans.
En
028108 ans.
Jupiter
en 108922 ans.
En
237838 ans.
Saturne
en 059276 ans.
En
129434 ans.